RDC : la communauté LGBTQ+ inquiète avant les élections
25 octobre 2023Emmanuel a toujours eu un doute. Plus jeune, il aimait jouer au football dans la cour de récréation.
Mais, ses manières dérangeaient. Très vite, il s’est retrouvé sur le banc, à trainer "avec celles qu’on appelle les filles", se souvient le jeune homme.
Aujourd’hui âgé de la vingtaine, il a décidéd’assumer sa nature non-binaire il y a quatre ans.
Pour autant, il avoue ne pas la vivre pleinement et ne pas en avoir informé sa famille. Tout du moins officiellement.
"Je dois me conformer à ce que veut la société", regrette Emmanuel.
"Le diktat hétéronormé dit qu’un homme doit être baraqué, de grande taille, qu’un homme doit être rasé. Donc cela me met en confrontation avec moi-même et je ne peux pas faire ce que je veux", ajoute le jeune homme.
"Ils se cachent"
Si l’homosexualité n’est pas condamnée en RDC, elle est mal perçue et les personnes LGBTQ+ sont souvent obligées de dissimuler leur orientation sexuelle.
Lorsque la question du genre, pourtant vaste, s’invite dans le débat public, la communauté LGBTQ+se sent visée.
Comme ce fut le cas lorsque le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication mettait en garde les médias sur ce qu’il a qualifié de "promotion de l’homosexualité".
Ou encore, le 8 octobre dernier, lorsque le président de la République, Félix Tshisekedi, s’exprimait sur le sujet en réaction à des propos de Denis Mukwege.
"Ils vont vous amener des concepts venus d’ailleurs. On a déjà entendu de notion du genre. Mais au Congo nous n’avons pas de problème d’orientation sexuelle", avait déclaré le président sortant lors du dépôt de sa candidature à sa propre succession.
"Le pape, c’était le gâteau, le CSAC, c’était la crème et le président est venu ajouter la cerise au-dessus", s'inquiète Emmanuel.
"Donc la vie des personnes LGBT est devenue inquiétante, ils se cachent", explique-t-il.
Scaly Kepna, fondateur et directeur depuis 2012 de Jeunialissime, une association de jeunes qui œuvre pour l’inclusion sociale des personnes LGBT+, n’est pas surpris par ces discours.
S’il rappelle que "c’est un raccourci de dire que notion du genre égale homosexualité", il perçoit le sujet comme un "objet de marketing pour s’attirer l’empathie des Congolais", à la veille des élections.
Les discours changeront-ils les mœurs pour autant ? "Je ne le sais pas", souffle Scaly qui, comme Emmanuel, ne s’identifie à aucun candidat et s’interroge même sur l’utilité d’aller voter le 20 décembre.