Violences sexuelles : donner la parole aux femmes du Kenya
6 janvier 2020Le procès du producteur hollywoodien Harvey Weinstein s'est ouvert ce lundi 6 janvier aux Etats-Unis. Un procès pour des faits d'agression sexuelle qui sont à l'origine du mouvement "#MeToo" et tous les autres hashtags de dénonciation des violences sexuelles à travers le monde.
Pour lutter contre ces agressions, une application baptisée "Masiz" a été développée au Kenya. Le nom signifie en langage courant "my sister", "ma soeur". Cette application, destinée aux jeunes filles et aux femmes, les aide à parler de harcèlement et de violences sexuelles à l'université.
Des forums de discussion prisés
Au départ de l'application "Masiz pamoja", "les sœurs unies", il y a deux étudiantes, Elizabeth Amwamu et Rahime Adan. Les deux jeunes femmes ont étudié à l'université d'Eldoret, dans l'ouest du Kenya.
Leur application donne des informations sur les menstruations, la grossesse, l'avortement ou encore les visites chez le gynécologue.
Mais ce qui est particulièrement prisé, ce sont les forums de discussion. Là, les femmes s'ouvrent sur les violences qu'elles subissent.
Elizabeth Amwamu ouvre l'application sur son téléphone et nous montre : "On a ici la rubrique 'arrêtez de nous pourchasser' contre le harcèlement sexuel."
Pas d'interlocuteur ou presque pour les victimes
Elizabeth a elle-même été violée par un étudiant il y a deux ans, "un des pires moments de [s]a vie."
A l'époque, Elizabeth ne sait pas vers qui se tourner. Ni l'administration de l'université ni la police ne lui inspirent confiance : ses interlocuteurs dans ces services ne sont presque que des hommes. Or, le viol est tabou dans la société kenyane et la jeune femme n'ose pas non plus s'en ouvrir à sa famille ou ses amis.
Au bout d'un certain temps, Elizabeth se dit qu'elle n'est pas seule : les autres victimes aussi se murent dans leur silence.
C'est là que germe l'idée de l'appli "Masiz". Dans les forums, les utilisatrices peuvent rester anonymes et faire part de leurs angoisses, de leur colère, échanger des adresses utiles.
Les cas de harcèlement à l'université ne sont pas rares, comme le confirme Rahime, qui raconte que "des profs exigent des faveurs sexuelles de leurs étudiantes."
Faire changer les mentalités
Les violences domestiques aussi sont un gros problème. Au Kenya, 47% des femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire selon les Nations unies… presque le double de la moyenne mondiale.
Rahime et Elizabeth tentent de faire prendre conscience de la gravité de la situation, aux hommes comme aux femmes. Elizabeth est convaincue qu'un changement est possible. "Si nos parents, nos mères, nos sœurs pouvaient changer de point de vue, on pourrait faire vite avancer les choses", assène-t-elle.
Pour parvenir à ce changement de mentalités, les deux jeunes femmes font donc un pari : libérer la parole, au Kenya aussi.
Pour aller plus loin: regardez cette vidéo sur la RDC: