Briser le silence et mieux combattre les violences sexuelles
28 septembre 2022A Bukavu, dans l’est de la RDC, est inauguré aujourd’hui [28.09.22] un nouveau service de l’hôpital Panzi, la structure dirigée par le gynécologue Denis Mukwege. Son action en faveur des femmes victimes de violences sexuelles lui a valu le prix Nobel de la paix en 2018.
Il s’agit d’un centre de chirurgie mini-invasive qui permet, à l’aide d’une caméra et d’une incision de quelques millimètres dans l’abdomen, de reconstruire un appareil génital abimé par un viol, par exemple. Hélas, les violences sexuelles sont fréquentes en Afrique, encore plus que dans le reste du monde.
Trop de silence(s)
Judicaelle Irakoze a grandi au Burundi. Elle milite au sein de l’association Choose Yourself pour que soient appliqués les droits des femmes.
Et pour elle, l’un des grands obstacles à la lutte contre les violences faites aux femmes, c’est le silence. "C'est comme si nous savions que les femmes sont maltraitées mais que personne n'en parle parce que cette maltraitance fait partie de la vie", dit-elle. "Comme si cela faisait partie du fait d'être une femme."
Pourtant, d’après une étude de 2020, près de 44% des femmes africaines ont déjà été victimes de violences basées sur le genre. C’est plus encore que la moyenne mondiale de 30%. Des abus, des violences physiques, sexuelles, psychologiques, qui vont parfois jusqu’aux mutilations génitales et même au trafic d’êtres humains.
Des victimes culpabilisées
Mais le gros des violences subies par les femmes a lieu au sein de leur couple, de leur famille.
Judicaelle Irakoze s'explique le silence de nombreuses victimes par la honte qu'elles ressentent: "Certaines femmes sont punies pour avoir osé parler. On leur reproche de vouloir ternir l’image de leur mari, de leur famille. Des fois, on demande à la victime : "Qu'est-ce que tu as fait pour que tes agresseurs abusent de toi ?".
Le conditionnement des femmes
En Ouganda, Safina Virani connaît aussi le problème de la victime à qui on demande d’abord ce qu’elle a fait de mal. Elle dénonce la persistance de structures sociales et familiales qui conditionnent les jeunes filles à passer leur vie de femmes à se conformer aux attentes de leur époux.
"Même lorsque des histoires de violence domestique sont mises en ligne, on se demande souvent quelle est la version du mari, constate Safira Virani. Si sa femme a peut-être fait quelque chose qui l'a mis en colère et l'a poussé à la battre."
En 2014, l'Ouganda a ainsi interdit aux femmes de porter certains vêtements jugés trop provocants, comme la mini-jupe, sous prétexte qu'ils seraient des incitations au viol.
Agir contre la masculinité toxique
Judicaelle Irakoze s’insurge aussi contre le conditionnement qui fait intégrer aux femmes les exigences d’une masculinité toxique. Pour elle, "c'est la façon dont le patriarcat a rendu la vie des femmes dépendante des hommes, à la fois économiquement, socialement, et même émotionnellement."
Des initiatives nationales et internationales se mettent en place, comme la plateforme AfricanFeminism au Rwanda, pour mettre en relation les victimes de violences, les pousser à échanger entre elles.
Les associations leur recommandent de commencer par accumuler des preuves matérielles des violences subies, garder les messages de menace qu’on leur adresse, par exemple, pour pouvoir un jour témoigner et même porter plainte.