Une nouvelle éthique pour les "Global Players"
7 juin 2011Responsabilité sociale, éco-compatibilité, gestion durable. Des grands concepts que les entreprises n'en finissent pas de prôner sans pour autant les mettre vraiment en application. John Ruggie, l'envoyé spécial de l'ONU pour les droits de l'Homme et les entreprises supranationales, est toutefois assez optimiste. Selon lui, les entreprises s'évertuent déjà à recadrer leurs priorités :
« Je pense que le thème des droits de l'Homme est resté bloqué là où celui de l'environnement a stagné pendant trente ans. Autrefois, aucune entreprise ne menait des études d'éco-compatibilité. Aujourd'hui, presque toutes le font. Je pense que dans trente ans, la plupart des entreprises mèneront des études sur le respect des droits de l'Homme et en tiendront compte dans leur fonctionnement. D'ailleurs, certaines ont déjà commencé. »
Programmes de recyclage
Et c'est le cas de l'entreprise d'électronique Hewlett Packard. Elle a mis en place depuis longtemps déjà des programmes de recyclage pour les déchets électroniques et a imposé une surveillance des conditions de production au sein de l'entreprise comme chez ses sous-traitants.
Mais se réapprovisionner en matériaux n'est pas une mince affaire pour cette entreprise d'électronique. Et pour cause : les matières premières comme l'or, l'étain, le tungstène ou la tantalite sont exploités en République Démocratique du Congo de façon illégale et servent à financer les guerres civiles sur le territoire.
Matières premières et guerres civiles
Pour Karl Daumüller, l'auditeur en chef de la filiale allemande de Hewlett Packards à Böblingen, non loin de Stuttgart, pas question de se fournir dans de telles conditions. Question d'éthique :
« Depuis 2007, HP s'est attelé à cette question. Des objectifs concrets sont ressortis de ce débat. Tout d'abord, l'accent est mis sur la surveillance : nous sommes en mesure de déterminer la provenance de nos matières premières et de nos minéraux. Puis, un programme d'audit pour les fonderies, qui ont un rôle primordial, a été mis en place. Enfin, un système de certification a été instauré. Un système qui ne tient pas seulement compte de la politique et de la législation. »
Près de 260 000 personnes travaillent dans les entreprises de sous-traitance de HP. Elles ont été contrôlées en 2010 par la maison mère. Les collaborateurs ont été questionnés sur leurs conditions de travail. Qui souhaite travailler dans les entreprises de sous-traitance du groupe, doit montrer pâte blanche et soumettre certificats, compte-rendu et quantité de documents. C'est au cours d'une ronde dans les différentes unités de production que les employés ont été invités à se prononcer sur leurs conditions de travail, comme l'explique Karl Daumüller :
« La particularité de cet audit, c'est justement les interviews des ouvriers directement sur leur lieu de travail. Elles occupent une place de choix dans cette étude puisqu'on a pu rassembler des informations essentielles. »
Cela ne serait donc pas incompatible : faire partie des entreprises les plus influentes, respecter les normes écologiques et le code du travail, telle qu'il est défini par l'organisation internationale du travail, tout en faisant du profit.
Des procédures de contrôles coûteuses
Pourtant nombreux sont ceux qui restent dubitatifs. Les uns voient d'un très mauvais oeil cette guerre des prix ou dénoncent ces procédures de contrôle coûteuses
Pour Bruno Wenn, le porte-parole du conseil d'administration de la société allemande de développement et d'investissement, de tels arguments ne tiennent pas la route :
« Nous avons notre politique. Nos clients doivent accepter les normes écologiques et sociales internationales. Ce n'est pas négociable. »
Comme beaucoup d'autres banques ou sociétés de développement, la société allemande de développement et d'investissement financent des projets d'entreprises dans les pays les plus pauvres. Elle a notamment permis l'implantation du grand opérateur de téléphone portable africain Celtel et de l'entreprise égyptienne Sekem qui produit aliments et médicaments écologiques sur le marché mondial. Son fondateur, le Docteur Ibrahim Abouleish, a d'ailleurs reçu en 2003 le Right Livelihood award, un prix nobel alternatif.
John Ruggie craint pourtant que HP ou Sekem ne fassent figure d'exceptions et ce, aussi longtemps que ces lois du travail ou ces normes environnementales reposeront sur le principe du volontariat :
« Est-ce qu'un capitalisme éthique est possible ? Bien entendu ! Mais on ne peut y arriver en imposant des subventions et des règles qui vont à l'encontre de ce à quoi on aspire. Avec l'excitation qui s'est manifestée ces dernières années autour de Wall Street, on ne peut pas s'attendre à imposer des valeurs éthiques en un revers de main. Les hommes ne fonctionnent pas comme cela. »
L'envoyé spécial de l'ONU ne manque pas d'énumérer un très grand nombre de mesures qui seront très prochainement débattues à Genève lors du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Un temps fort destiné à sensibiliser les entreprises aux droits humaines et à proposer aux victimes une protection judicaire. Une mission de grande ampleur pour près de 80 000 entreprises supranationales et les 192 États membres de l'ONU.
Auteurs : Helle Jeppesen, Bénédicte Biot
Edition : Carine Debrabandère