Relations Israël/Afrique, un amour de raison
15 décembre 2017C'est une sorte de réponse du berger à la bergère… Recep Tayyip Erdogan, le président turc, a profité d'une réunion de l'Organisation de la Coopération islamique à Istanbul pour appeler les responsables des pays musulmans à reconnaître Jérusalem-Est comme capitale de l'Etat de Palestine.
Cet appel répond directement à la reconnaissance, il y a quelques jours, par Donald Trump, de Jérusalem comme capitale d'Israël.
La joute s'étend, donc, et place les pays africains dans une position délicate car ils sont nombreux à entretenir de nouveau de bonnes relations avec l'Etat hébreu.
Le rapprochement récent
Pour Benjamin Netanyahu, sa tournée en Afrique en 2016 a été "historique".
Kenya, Ouganda, Ethiopie, Rwanda, son voyage a marqué la première visite officielle d'un Premier ministre israélien sur le continent depuis des décennies.
Le président kenyan, Uhuru Kenyatta, résume ainsi leurs entretiens : "Nous pensons que nous pouvons de nouveau collaborer plus étroitement sur une base positive avec Israël".
Depuis sa tournée en Afrique de l'Est, Benjamin Netanyahu a effectué deux autres séjours sur le continent et en juin dernier, il a même pris la parole au sommet de la Cedeao.
Des échanges réguliers ont lieu entre des Etats africains et Israël, comme ici, en mars dernier, le ministère des Affaires étrangères israélien recevant une délégation d'Afrique de l'Ouest.
Un bon départ
Depuis la création de l'Etat hébreu en 1948 jusque dans les années 1960, la coopération avec l'Afrique se porte bien. Elle est basée sur l'aide au développement et le conseil militaire.
Steven Gruzd, de l'Institut sud-africain de politique étrangère explique qu'"il y avait une sorte d'affinité anticoloniale parce qu'Israël avait échappé à la mainmise coloniale britannique et l'Afrique luttait aussi, donc les liens étaient très forts."
Le tournant du Sinaï
En 1967, l'armée israélienne pénètre dans la péninsule égyptienne du Sinaï. L'Egypte accuse Israël d'invasion du territoire africain. Les Etats arabes tentent de pousser les pays d'Afrique à rompre leurs relations avec l'Etat hébreu.
Sur une trentaine d'Etats africains, seuls quatre ne coupent pas les ponts. Encore aujourd'hui, les Palestiniens ont un statut d'observateurs au sein de l'Union africaine, mais pas Israël, en dépit de ses demandes répétées.
Le Premier ministre israélien espère rallier des pays africains pour le soutenir à l'ONU.
Le pragmatisme a pris le pas
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi, la voix la plus hostile à l'Etat hébreu a disparu du continent.
Hormis au Maghreb, il n'y a d'ailleurs pas eu de grands mouvements de protestation en Afrique quand Donald Trump a décidé de reconnaître Jérusalem comme capital d'Israël.
Steven Gruzd résume cette position par le "pragmatisme" de responsables africains qui seraient désormais "moins imprégnés d'idéologies. Le soutien aux Palestiniens n'est plus aussi fort et unanime qu'avant."
Des gardes VIP formées par Tsahal
D'autant qu'Israël est un allié de choix. Dans les pays en proie à des groupes djihadistes, comme le Kenya, Tsahal forme des unités de l'armée pour lutter contre le terrorisme.
Martin Oloo, politologue kenyan, rappelle qu'"Israël a toujours été prêt à fournir une assistance militaire, des formations. En fait, les gardes d'élite pour les personnalités africaines sont souvent entraînées par Israël."
Critiques multiples
Les principales oppositions à Israël viennent désormais du Maroc, du Sénégal, de la Mauritanie ou du Soudan, qui interdit l'accès à son territoire aux ressortissants israéliens.
L'Afrique du Sud est critique aussi envers l'Etat hébreu qui a soutenu le régime d'apartheid.
Quant au sommet Afrique/Israël qui était prévu cette année à Lomé, il a été annulé pour cause d'instabilité.
Depuis début décembre, l'Etat hébreu participe au plan de développement américain « Power Africa ».
L'objectif est de fournir 60 millions d'Africains en électricité d'ici 2023. La haute technologie israélienne, notamment en matière d'agriculture, séduit aussi en Afrique.