RDC : les déplacés de Kwamouth ne veulent pas être oubliés
29 décembre 2023C'est un document qui circule mais qui n'est pas encore rendu public. Un rapport du groupe d'Experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo, relayé par nos confrères de RFI, répertorie les territoires où la violence sévit en RDC.
Parmi ces territoires, il y a Kwamouth, dans la province du Mai Ndombé dans l'ouest du pays. Ce territoire est situé à une centaine de kilomètres de la capitale congolaise, Kinshasa.
La province du Mai-Ndombe est le théâtre de conflits fonciers entre les Teke et les Yaka. Arrivés à Kinshasa depuis le mois d'août 2022, une trentaine de familles de déplacés internes vivent toujours dans le camp de Nzamu, dans la commune de Maluku.
"Qu'est-ce que nous n'avons pas fait ? Nous nous sommes agenouillés, nous avons pleuré, personne ne nous a entendus. Combien de personnes avons-nous enterrées depuis que nous sommes ici ? Nos parents, nos frères, nos sœurs… Nous n'avons plus personne", confie Bibiche (nom d’emprunt). Elle explique qu'il y a encore quelques mois, le corps d'un enfant a été laissé en putréfaction par manque d'argent pour l'enterrer.
Condition de vie extrêmes
Une sonnerie stridente de téléphone retentit. Quelques secondes plus tard, l’une des jeunes filles assises sur un banc dans la cour apprend que sa mère a été tuée dans le Mai-Ndombe.
Après avoir vécu plusieurs semaines à Kinshasa, la mère avait décidé de retourner au village pour tenter de s'en sortir financièrement. Ses enfants l'attendaient dans la capitale, elle ne reviendra jamais.
Bibiche insiste sur la colère qui l'anime quand elle voit les conditions déplorables dans lesquelles ils vivent. Pour elle, "il n'y a aucune solution. J'ai trop de colère, trop de rage. Nous sommes arrivés ici l'année dernière, mais jusque-là, il n'y a eu aucune solution et les autorités sont bien conscientes de nos problèmes."
La fatigue des promesses non tenues
Solange fait le même constat. Les autorités savent que les déplacés de Kwamouth sont à Maluku, à quelques kilomètres de la capitale, mais personne ne s'en soucie. En cette période de campagne électorale, elle déplore les fausses promesses des candidats députés qui sont passés la voir.
"Ça va faire deux ans que nous sommes ici, les autorités viennent et nous font des promesses, mais rien ne suit, déplore Solange. Jusqu'à quand allons-nous raconter notre histoire ? Nous avons laissé tous nos biens à Kwamouth, nous dormons à même le sol. Tout ça parce que nous avons fui la guerre."
Comme plusieurs autres personnes que la DW a rencontrées sur le site de Nzamu, Siska vient de Kwamouth. Elle a dû marcher pendant plusieurs jours avant de trouver un bateau pour faire la traversée jusqu’à Kinshasa : "Plusieurs d'entre nous sont morts. Des enfants, des parents, des jeunes sont morts à cause de ce conflit entre les Teke et les Yaka qui se battent pour la terre. Nous avons perdu des biens et des êtres chers. La vie que nous menons aujourd'hui est assez difficile. Si tu ne vends pas des petits sachets d'eau dans la rue, tu ne mangeras pas. Si tu trouves une famille pour qui tu peux aller puiser de l'eau, en contrepartie de quelques francs congolais, tu peux manger, idem pour les petits travaux de jardinage."
Trouver un repas par jour
Le conflit entre Teke et Yaka est sur toutes les lèvres. Elokamba Esperant est secrétaire communal à Maluku. Il nous explique que la commune n'a pas les moyens de subvenir aux besoins de ces personnes déplacées.
En cette période de campagne, elle enjoint les futurs élus à s’occuper de ces familles qui peinent à manger un repas par jour.
Selon elle, "dans notre commune, nous avons des candidats à la députation nationale, mais ils doivent comprendre que pour être député, tu dois être proche du peuple. Pourtant, il y a des personnes au sein de la population qui souffrent, mais personne ne se préoccupe de leur cas. Fatshi (le président Félix Tshisekedi, ndlr) avait dit le peuple d'abord. Mais le peuple c'est aussi ces personnes déplacées de Kwamouth. Il faut qu'ils apprennent à se soucier du petit peuple qui est dans ce pays, parce qu'eux aussi sont utiles."
D’après l’ONG Human Rights Watch, les violences entre Teke et Yaka en République démocratique du Congo ont fait des centaines de morts et contraint des milliers de personnes à fuir leur maison.