La Pologne doit verser 1 million par jour à l'UE
28 octobre 2021Un million d'euros par jour. Cette sanction est destinée à astreindre le pays à respecter les décisions de la Cour européenne de justice (CJUE). C'est le nouvel épisode d’un contentieux qui oppose Bruxelles et Varsovie au sujet de la réforme en cours de la justice polonaise.
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Réforme de la justice controversée
Dans le cadre de sa réforme de la justice, le gouvernement polonais a créé en 2018 un nouvel organe, chargé de superviser les juges.
Cette "chambre disciplinaire" de la Cour suprême polonaise a le pouvoir de réduire le salaire des juges ou de lever leur immunité pour les exposer à des poursuites pénales.
Elle est considérée par l’Union européenne comme une atteinte supplémentaire, par les pouvoirs législatif et exécutif polonais, à l’indépendance des magistrats du pays. Bruxelles doute en effet de son impartialité.
Conditions européennes
C’est pourquoi la Cour de justice de l’Union européenne a ordonné en juillet que cette chambre cesse immédiatement ses activités.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, reconnaît qu'"il y a une recommandation spécifique de longue date pour la Pologne. Il s'agit de l'indépendance du pouvoir judiciaire. C'est pourquoi j'ai toujours été très claire sur le fait que nous voulons un engagement clair de démanteler la chambre disciplinaire, de mettre fin ou de réformer le régime disciplinaire et de lancer un processus de réinstallation des juges."
La réponse de Mateusz Morawieck
Mateusz Morawiecki, le Premier ministre conservateur (du parti PiS), a promis plusieurs fois de modifier le fonctionnement de la chambre disciplinaire des juges mais rien n’a encore été fait en ce sens. D’où l’amende européenne.
L’eurodéputé écologiste Daniel Freund a fait le calcul et il publie ses résultats sur Twitter : selon lui, les sanctions financières prises contre la Pologne représentent l’équivalent de 3,07% du budget annuel à sa disposition.
Les Vingt-Sept partagés
Au sommet des chefs de gouvernement de la semaine dernière, les Vingt-sept n’étaient pourtant pas d’accord sur l’attitude à adopter.
Le Bénélux prône la fermeté, en arguant que la Pologne ne peut pas seulement tirer des avantages de son statut de membre de l’UE, et encaisser les aides sans contreparties.
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L’Allemagne, voisine de la Pologne, plaide pour le dialogue. Certains eurodéputés craignent que la sanction se répercute sur le contribuable polonais qui paierait la note.
Les autorités polonaises dénoncent, elles, un "chantage" exercé par l’UE.
Dans une interview accordée le week-end dernier au Financial Times, Mateusz Morawiecki a déclaré que l’UE mettait "le pistolet sur la tempe" de la Pologne et que la Commission "déclarera[it] la Troisième guerre mondiale" si elle continuait de retenir l’argent prévu pour son pays. Une allusion au plan de relance pour l’après-Covid, soit 36 milliards d’euros gelés par la Commission en attendant de nouvelles garanties sur l’indépendance de la justice en Pologne.
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Le porte-parole du gouvernement rappelle que "la question de l'organisation du système judiciaire relève de la compétence exclusive des Etats membres".
Un litige ancien
Le contentieux entre la Pologne et l’Union européenne au sujet de la réforme de la justice dure depuis plusieurs années.
Début octobre, le Tribunal constitutionnel polonais a remis en cause la primauté du droit européen sur le droit national et décrété que certains articles des traités européens n’étaient pas compatibles avec la Constitution du pays.
La Pologne a été condamnée à verser 500.000 euros d’amende par jour, en septembre, parce qu’elle n’a pas fermé la mine de charbon de Turów jugée trop polluante par la République tchèque.
Varsovie n’a pas encore commencé à payer et la Commission menace la Pologne d’ordres de recouvrement si les autorités ne l’informent pas de la façon dont elle entend se plier à cette décision de fermeture.