"L’Europe va devoir repenser son rôle au Sahel"

Selon le député allemand, l’Europe va devoir repenser son rôle dans la région sans la France. Il estime aussi qu’il est juste de continuer à considérer Mohamed Bazoum comme le seul dirigeant légitime du pays. Il repond aux questions de Simon Young.  

Transcription de l'interview

DW : La France retire ses troupes militaires du  Niger. Cela aura-t-il un impact sur le rôle de l'Allemagne dans la région ? 

Christoph Schmid : Bien sûr, cela a un impact sur le rôle de l'Europe dans la région, car la France a toujours été le plus grand partenaire des pays de la région. Et nous nous sommes appuyés sur l'engagement français dans le Sahel. Par conséquent, oui, bien sûr, cela a des conséquences pour l'Allemagne, mais pas sur le court terme.

DW : Pensez-vous qu'en l'absence des forces françaises, la situation sécuritaire au Niger va encore fortement se détériorer ?
 
Christoph Schmid : J'espère que ce ne sera pas le cas. Mais bien sûr, l'impact français a été très important dans la lutte contre des éléments terroristes. Et donc, oui, si les Français perdent du terrain, oui, peut-être que les terroristes gagneront du terrain.

DW : L'Allemagne a déjà dit qu'elle retirait ses troupes du Mali. À votre connaissance, ce calendrier est-il toujours d'actualité ? Et devra-t-il être accéléré à cause de ce qui se passe au Niger ?

Christoph Schmid : Pour autant que je sache, le calendrier est toujours respecté. Nous nous retirons du Mali, où nous avons encore beaucoup de soldats à Gao. Et nous avons différentes façons de quitter le Mali. L'une d'entre elles passe par Niamey. Et oui, j'espère que le calendrier est toujours respecté.

DW : Les Américains vont apparemment rester au Niger - ils y ont au moins 1.100 soldats, et la junte ne leur demande pas de partir pour l'instant. Est-il important que le rôle des Etats-Unis reste fort au Sahel ? 

Christoph Schmid : Je pense qu'il est important que les Nations unies aient une empreinte dans la région du Sahel. Je pense qu'il est bon que les Etats-Unis soient toujours présents et que nous devions repenser le rôle de l'Europe sans celui de la France. Il s'agit là d'une tâche considérable pour l'avenir. Et c'est ce que nous devons faire dans les deux prochains mois.

DW : Le président français Emmanuel Macron affirme que le président Mohamed Bazoum est toujours le président légitime du Niger. Il soutient l'argument selon lequel le coup d'Etat est illégitime. Que pensez-vous de cela ? Est-ce la bonne voie à suivre ? La communauté internationale doit-elle commencer à accepter que les choses ont changé sur le plan politique au Niger ?

Christoph Schmid : Il est assez difficile de répondre à cette question parce que, oui, nous avons une politique étrangère basée sur des valeurs, et oui, nous n'acceptons pas que des coups d'Etat militaires se produisent, mais nous devons accepter les réalités et nous devons accepter ce qui se passe au Niger. Par conséquent, les deux parties ont raison. Parler aux chefs militaires actuellement en charge est probablement la meilleure chose à faire, comme le font les Etats-Unis. Mais oui, Emmanuel Macron a parfaitement raison quand il dit que Bazoum est le dirigeant légitime du pays.

DW : Une question, plus généralement sur la région du Sahel. Plusieurs pays sont confrontés à une insurrection islamiste. Il y a aussi d'autres forces en présence. Les pressions s'exercent clairement sur la Cédéao et, vous savez, différents protagonistes comme le Nigeria et d'autres Etats qui sont impliqués dans la région. Etes-vous optimiste et jusqu'à quel point pour l'avenir de la région du Sahel ?

Christoph Schmid : Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup de raisons d'être optimiste. Nous devons garder à l'esprit que la région du Sahel est également importante pour l'avenir de l'Europe. Par conséquent, nous devons trouver des stratégies pour travailler avec la situation actuelle, et je ne suis pas très optimiste pour l'avenir à court terme.

DW : Une dernière question. L'une des conséquences de la crise au Sahel est, peut-être, une pression supplémentaire sur l'immigration vers l'Europe. Vous vous en inquiétez ? 

Christoph Schmid : Personnellement, je ne m'inquiète pas trop de la poursuite des migrations vers l'Europe, mais les migrations à l'intérieur de la région du Sahel vont aussi s'intensifier, ce qui représente une tâche encore plus importante pour les pays de la région du Sahel. Je pense donc que les migrations internes dans la région du Sahel constituent un problème plus important.