L'armée algérienne, un pilier de l'appareil étatique
28 mars 2019
Le premier Etat algérien a été créé par l’Armée de libération nationale (ANL). Et depuis l’indépendance de 1962, l’influence de l’armée ne s’est jamais démentie, même si les militaires n’ont dirigé le pays que durant la guerre civile, entre 1992 et 1999.
A cette date, les officiers poussent Abdelaziz Bouteflika à prendre la tête de l’exécutif, il est le premier non-militaire à occuper ces fonctions.
Vingt ans plus tard, quelques officiers et chefs militaires régionaux de l’armée nationale populaire gardent un contrôle politique, économique et stratégique fort.
Mais rien à voir avec la situation en Egypte, où l’armée est détentrice des principales sources de revenus du pays. C’est ce qu’explique Rachid Ouaissa. Il occupe la chaire « Politiques du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord » à l’université de Marburg, en Allemagne.
"Dans le cas de l’Algérie, ils sont introduits, "main dans la main" avec les hommes d’affaires, la mafia du business, la mafia de l’importation. Le gros de leurs affaires, ils le font dans l’importation d’armes, de technologies, dans les pots-de-vin. Donc s’il y a un jour transparence dans leur budget, ça leur fait peur."
La défense, un budget opaque et colossal
Le budget de l’armée a été multiplié par cinq sous Abdelaziz Bouteflika pour dépasser les 8,6 milliards d’euros en 2017.
L’Algérie, qui ne dispose pas d’une industrie de l’armement très développée, est le septième importateur d’armes au monde d’après un récent rapport du GRIP, le premier importateur d’armes d’Afrique et son premier fournisseur est l’Allemagne (plus d’1,35 milliards d’euros en 2017).
L’armée algérienne est réputée pour son niveau de qualification – la plupart des officiers ont été formés en France ou en Union soviétique – et d’équipement.
Elle intervient dans la lutte contre les mouvements islamistes comme Aqmi mais considère historiquement le Royaume du Maroc comme son principal ennemi, car représentant un danger potentiel pour l’intégrité territoriale de l’Algérie.
Ménage au sein de l'ex-sécurité militaire
Mais l’armée algérienne n’est pas homogène. Depuis des décennies, des rivalités politiques et de pouvoir opposent l’état-major et le Département du renseignement et de la sécurité militaire (DRS).
Plusieurs généraux de la sécurité militaire ont d’ailleurs été mis à pied, emprisonnés ou envoyés à la retraite, comme Mohamed Lamine Mediène, alias "Toufik", puissant chef du renseignement.
Le mouvement de protestation de ces dernières semaines a encore été l’occasion pour les deux entités de s’accuser mutuellement.
"Le clan Bouteflika dit même que ce serait le DRS qui serait derrière les manifestants."
Nouvelle génération
Alors une transition qui traîne pourrait être le moment de nouveaux règlements de compte entre militaires désunis et surarmés ? Réponse de Rachid Ouaissa.
"Je ne pense pas. Il y a une nouvelle génération de militaires, plus technicienne. Ils ont fait leurs cycles dans les pays européens, aux Etats-Unis… mais il reste quand même les vieux généraux qui disent être l’Etat et qui veulent continuer à profiter de la rente pétrolière. Donc je ne pense pas qu’il y ait une rébellion du militaire en tant que tel, cela créerait de trop fortes dissensions au sein de l’armée elle-même."
Rachid Ouaissa estime plus probable que les généraux de la vieille école tentent de tirer leur épingle du jeu avec les nouvelles autorités ou partent à l’étranger pour sauver leurs biens, comme ça a été le cas après la révolution tunisienne dans le camp Ben Ali/Trabelsi.
Ecoutez l'interview avec Rachid Ouaissa en cliquant ci-contre: