L'argent de l'UEMOA ne suffira pas à vaincre le terrorisme
4 décembre 2019Le Mali, le Niger et le Burkina Faso seront les bénéficiaires de l’enveloppe promise par l’UEMOA. L’Union économique et monétaire ouest africaine va en effet débloquer 500 millions de dollars (soit plus de 297 milliards de francs CFA) pour contribuer à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel d’ici 2024. 100 millions de dollars seront destinés au financement de l'action militaire du G5 Sahel.
Le G5 Sahel fait part de "sa grande satisfaction" : l’UEMOA consacrera un cinquième de la somme promise à la force militaire conjointe du G5. Mais le groupe, que nous avons contacté, ne souhaite réagir officiellement que dans quelques jours.
Une solidarité régionale
Le côté positif de cette mobilisation pour porter secours aux trois pays sahéliens les plus exposés aux groupes armés est qu’elle dénote un esprit de solidarité entre Etats.
C'est une "mise en commun [des] forces et [des] moyens", comme l’a déclaré Alassane Ouattara lors du sommet extraordinaire de l’UEMOA, un geste que salue également Ahmedou Ould Abdallah.
Cet ancien ministre des Affaires étrangères de la Mauritanie et diplomate onusien préside le Centre pour la stratégie et la sécurité dans le Sahel Sahara (Centre4s).
Il souligne que "c'’est une bonne chose que les voisins réalisent et acceptent qu’ils ont des intérêts communs. C’est un bon exemple de ce qu’il faut faire avant de faire appel aux partenaires extérieurs, que ce soient les pays africains ou les partenaires à l’international."
Problèmes de financement
Toutefois, l’enveloppe consacrée au Fonds régional de sécurité n’est pas nouvelle : elle correspond à la moitié de l’aide déjà annoncée par la Cédéao il y a deux mois, pour la période 2020-2024.
Et puis se pose le problème du financement.
L’UEMOA pourrait passer par un mécanisme ordinaire de financement par ses Etats membres sous la forme de contributions obligatoires pour lever les fonds.
Mais qui va les gérer ? Les Etats membres ? L’union monétaire ? Ou, comme le préconise la France notamment, l’Union européenne qui aurait un droit de regard sur un fonds fiduciaire ?
Inclure les populations des zones reculées
Mais surtout il va être difficile de susciter l’adhésion à cette initiative venue "d’en haut" de la part de populations qui se sentent délaissées.
C’est pourquoi Ahmedou Ould Abdallah préconise "des mesures d’accompagnement" à la riposte militaire.
Pour lui, cela ne signifie pas seulement "une meilleure formation des armées, mais aussi ouvrir un dialogue national pour ouvrir le champ politique. Il y a un problème sécuritaire mais celui-ci ne tombe pas du ciel. Il faut que les gouvernements concernés, que le G5 Sahel et leurs amis ouvrent le champ politique à la société civile et surtout aux partis d’opposition, pour constituer des fronts communs.
Je continue de répéter que si les radicaux sont solidaires, il faut que dans nos pays, nous montrions des fronts communs, patriotiques, ouverts à toutes les couches de population et aux partis d’opposition, au moins les plus représentatifs."
Cette implication des communautés locales ne doit donc pas se limiter à la collecte de renseignements pour l’action militaire.
Baba Dakono, chercheur de l’ISS Bamako, rappelle que les habitants des zones les plus touchées par le terrorisme et la violence armée sont à la fois acteurs et victimes de la criminalité organisée.
Pour certaines familles, la contrebande est une question de survie, à défaut de bénéficier de politiques sociales et économiques satisfaisantes.