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L'Algérie s'apprête à voter sans illusions

Jens Borchers | Anne Le Touzé
3 mai 2017

Les Algériens sont appelés jeudi aux urnes pour renouveler leur parlement. Mais les législatives, qui ont lieu sur fond de boycott de l'opposition et de crise économique, suscitent peu d'intérêt au sein de la population.

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Les listes de candidats sont affichées depuis le lancement de la campagne le 9 avril
Les listes de candidats sont affichées depuis le lancement de la campagne le 9 avrilImage : Getty Images/AFP/R. Kramdi

Malgré les affiches électorales dans les rues d'Alger, certains citoyens n'ont pas l'air au courant des élections. "Je n'ai trouvé personne qui m'a dit qu'il allait voter, confie cet Algérois. Il y a même quelqu'un qui  m'a dit 'tiens, il y a un vote en Algérie?' Il ne le savait pas!"

23 millions d'Algériens sont en âge de voter. Mais la grande question est de savoir combien se déplaceront pour déposer leur bulletin dans l'urne, après plus de trois semaines de campagne. Les parlementaires n'ont pas bonne réputation et les Algériens ne leur font pas confiance pour exercer leur mission de contrôle du gouvernement. Selon Issandr Amrani, spécialiste de l'Algérie à l'International Crisis Group, "la plupart des Algériens diront que ces élections ne représentent rien. Ils n'attendent rien du Parlement. C'est vraiment étonnant de constater à quel point les élections et l'institution du Parlement ont perdu de leur valeur pendant l'ère Bouteflika."                    

Qui dirige l'Algérie ?

Abdelaziz Bouteflika, le président algérien, a 80 ans, dont 18 ans passés à la tête du pays. Depuis qu'il a eu un AVC, le chef de l'Etat n'apparaît que rarement en public. Officiellement, Bouteflika est toujours le visage du "pouvoir" algérien, mais en coulisse c'est une autre histoire. Les spéculations vont bon train pour savoir qui, des militaires, des politiques ou des services secrets, tire les ficelles du régime. Certains hommes d'affaires plus ou moins sérieux mais très influents viennent compléter le tableau. Abdelaziz Rahabi connaît les arcanes du pouvoir. Ce diplomate de carrière et ancien ministre de la Communication parle librement de ses expériences passées avec les élections algériennes. "J'ai voté dans un bureau lors de la dernière élection, vers 16h-17h. Le taux de participation était de 8% dans le bureau où j'ai participé et le soir il était à 88%... Bon. J'ai accompli mon devoir mais j'ai la conviction profonde de m'être fait voler."

Les rumeurs courent sur la santé réelle du président Bouteflika, ici lors d'une de ses rares apparitions en avril 2016
Les rumeurs courent sur la santé réelle du président Bouteflika, ici lors d'une de ses rares apparitions en avril 2016Image : Getty Images/AFP/E. Feferberg

Des fraudes qui n'étonnent plus personne

Les dernières législatives remontent à 2012 et selon les chiffres officiels, 43% des électeurs avaient fait le déplacement. Combien le feront cette fois? Dans une interview au quotidien El Watan, le sociologue Nacer Djabi affirme que les sièges sont "vendus" et "revendus". Il cite l'arrestation du fils du secrétaire général du Front de Libération nationale, arrêté récemment. On a trouvé chez lui des listes électorales et d'importantes sommes d'argent liquide. Les médias algériens y ont vu une confirmation de leurs soupçons sur les achats de voix et les fraudes.

Malgré la campagne pour appeler les électeurs à "faire entendre leur voix", l'abstention risque d'être grande
Malgré la campagne pour appeler les électeurs à "faire entendre leur voix", l'abstention risque d'être grandeImage : Getty Images/AFP/R. Kramdi

C'est surtout au sein de la jeune génération que l'impression d'un "pouvoir" qui ne cherche qu'à se maintenir est la plus forte. En 2011, les dirigeants algériens avaient réagi aux révolutions arabes en augmentant les aides sociales. Une tactique qui s'est révélée efficace pour apaiser les velléités de changement, selon le sociologue Nacer Djabi. "On parle d'achat de la paix sociale, mais c'est aussi une forme de distribution de la rente, qui intéresse les gens et qui fait que les Algériens préfèrent cela à une situation où on commence à revendiquer des choses impossibles."

Le spectre des "années de plomb"

Crise économique oblige, les aides sociales ont été réduites. Ce qui entraîne des troubles sporadiques. Des troubles qui font peur au régime, encore marqué par la décennie noire des années 1990 qui a coûté la vie à plus de 150.000 personnes. Le pouvoir algérien a réussi à vaincre les islamistes, mais à terme, la stabilité ne pourra être garantie qu'avec des institutions qui fonctionnent et un changement de génération au sommet de l'Etat.

Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz