La France et son double langage sur l'immigration
17 janvier 2018Des expulsions plus rapides, des contrôles d'identité renforcés dans les centres d'accueil et d'hébergement et une différenciation plus forte entre personnes victimes de persécutions politiques et migrants économiques… voilà les grandes lignes de la nouvelle loi sur l'asile et l'immigration prévue par les autorités en France.
Le ton ferme d'Emmanuel Macron lors de sa visite à Calais n'a pas rassuré les nombreuses associations et ONG d'aide aux migrants qui qualifient les propositions du gouvernement français d'« inhumaines qui violent les droits fondamentaux des réfugiés ».
Les protestations vont bon train avant même que la loi n'ait été discutée.
Tous ces risques pris pour rien?
"J'ai traversé tous ces pays-là, j'ai enduré toutes ces galères et un beau matin, ils viendront me prendre pour me ramener chez moi ?", s'inquiète Alassane. Ce Malien est arrivé clandestinement en France. Il vit en plein Paris, dans un foyer d'accueil pour réfugiés. Et ce qu'il craint, c'est que les employés des services de migration aient le droit à l'avenir, de contrôler les immigrés dans les centres d'accueil d'urgence. Afin d'inciter les sans-papiers à accepter un retour volontaire… ou de les expulser manu militari.
Cette disposition est prévue dans la circulaire du ministère de l'Intérieur et elle suscite la colère de militants comme Yannick Le Bihan, de l'Ong "Médecins sans Frontières" qui considère que "cette circulaire rompt avec le principe d'accueil inconditionnel de toutes les personnes en situation de détresse sur le territoire".
Par conséquent, les militants des droits de l'Homme ne peuvent pas "accepter que des familles, des enfants des femmes vulnérables restent dehors aujourd'hui", selon lui.
Médecins sans Frontières fait partie du regroupement d'associations ayant déposé un recours au Conseil d'Etat, chargé de vérifier les projets de loi avant leur présentation au Parlement. Les associations espèrent ainsi stopper les contrôles d'identité dans les centres d'accueil d'urgence.
Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, ne voit, lui, aucune raison de s'inquiéter. Il rappelle que "ce ne sont pas des policiers qui vont dans les centres, ce sont des fonctionnaires de l'OFPRA ou de l'OFII formés pour ça". Et il résume ainsi l'idée qui préside au texte: les fonctionnaires "se rendent sur place pour faciliter le logement digne pour les personnes en situation de réfugiés."
Grand écart gouvernemental
Selon la nouvelle loi, les études et le marché de l'emploi devraient être plus accessibles aux réfugiés. Toutefois, les migrants irréguliers, ou "sans-papiers", seront réprimés plus sévèrement. Et cela ne rassure pas Laurent Giovanoni, du Secours catholique qui dénonce "une grande différence entre la présentation de la communication gouvernementale d'un texte équilibré, et la réalité de textes qui tous vont dans le sens de la réduction des droits et la fragilisation des personnes."
Lors des procédures d'expulsion, la détention pourra être plus longue, tandis que les migrants dont les demandes d'asile ont été refusées n'auront plus que deux semaines pour faire appel.