Guinée : après l'incendie, la junte face à sa première crise
22 décembre 2023Mercredi (20.12.23), le chef de la junte, le colonel Mamadi Doumbouya, est finalement sorti de son silence, pour décréter un deuil national de trois jours en hommage aux victimes du drame qui s'est déroulé dans le plus garnd dépot de carburant du pays.
Le pays tourne désormais au ralenti.
Les stations-service ouvertes à Conakry ne vendent que du gasoil. Un véritable problème dans un pays où l'essentiel du parc automobile de transport en commun fonctionne avec de l'essence.
Jeudi (22.12.23), à l'issue d'une réunion du Comité de crise, les autorités guinéennes ont clairement exprimé qu'elles comptaient désormais s'appuyer sur les pays voisins pour approvisionner la capitale et les régions en essence, explique l’éditorialiste guinéen Mognouma Cissé.
"La Haute Guinée va être desservie à partir du Mali, la Guinée forestière à partir de la Côte d'Ivoire, la moyenne Guinée et la Guinée maritime à partir du Sénégal et de la Sierra", a déclaré M.Cissé à la la DW.
Une facture salée pour la junte
Mais, à très court terme, la junte dont le pouvoir est durement éprouvé par ce gigantesque incendie et qui ne compte plus que sur les pays voisins et amis, va devoir subventionner l'essence à coût de milliards de francs guinéens.
Malgré la présence de deux bateaux en rade chargés de carburants, selon Conakry, les infrastructures adéquates pour le stockage de l'essence sont inexistantes. Elles ont été totalement abîmées par le feu dont on n'ignore toujours pas l'origine.
A Conakry, il ne reste plus que le dépôt central du gasoil de Tombo - situé à Kaloum - et qui ne peut pas stocker de l'essence, selon le directeur général de la société nationale des pétroles.
Cinq jours après le drame, les activités économiques sont toujours paralysées et les prix du transport sont montés en flèche, comme nous l’explique, cette habitante de Conakry : "il n’y a absolument rien. Les gens sont à la maison. Certains commencent à sortir mais il n’y a aucune activité. Du centre-ville à Coléah, dans la banlieue proche, il faut débourser 20.000 FGN. Nous vivons une situation très compliquée."
Pour faire face à l'urgence, les autorités avaient envisagé de réquisitionner les dépôts des sociétés minières comme la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) et la Guinea Alumina Corporation (GAC). Mais là aussi, les infrastructures ne sont pas adaptées à l'essence.
Risque d'une escalade de violences
Pour éviter les remous sociaux qui découleraient de la hausse du prix des transports en commun, le gouvernement de transition a mis en place un comité de crise et réaménagé les congés scolaires du mardi 19 décembre 2023 jusqu'au 1er janvier 2024.
Mais les autorités de Conakry doivent désormais faire la course à la montre pour éviter un embrasement de la situation dans un pays habitué à des manifestations politiques réprimées dans le sang.
Ce jeudi (21.12,23), des heurts ont opposé à Conakry les forces de sécurité à des groupes de jeunes réclamant de l'essence dans les stations-service, dont l'approvisionnement est suspendu provisoirement par les autorités depuis l'explosion et l'incendie meurtriers du principal dépôt d'hydrocarbure.
Des centaines de jeunes, cagoulés ou masqués pour la plupart, ont barricadé la route dans les quartiers de Sonfonia, Wanindara, Kagbelen, Koloma et Hamdallaye. Une voie qui mène au centre de la capitale Conakry.
Ils ont renversé des poubelles et brûlé des pneus dans un pays où beaucoup de jeunes vivent des courses en moto-taxi. Leur revendication : la réouverture des stations services pour tous les types de carburant.
Pour de nombreux guinéens la course contre la montre a commencé pour le colonel Mamadi Doumbouya, arrivé au pouvoir par un coup de force militaire, en septembre 2021.