Une "alliance" qui fait grincer des dents
13 août 2021L’entente trouvée cette semaine entre les forces tigréennes du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) et l’Armée de libération oromo (OLA) est encore à un stade très précoce mais alors que le TPLF gagne de plus en plus de terrain, ce rapprochement n’est pas de nature à rassurer à Addis- Abeba.
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Pour les groupes armés qui combattent le pouvoir d’Addis-Abeba, leur accord est basé sur " la compréhension commune que la dictature – allusion au premier ministre Abiy Ahmed – doit être renversée".
Il est question pour le moment dans cette entente de partage d’informations et de coordination de stratégie. Mais Gérard Prunier, historien et spécialiste de la corne de l’Afrique, reste prudent quant à la solidité de cette alliance.
"Les Oromo culturellement sont très divisés entre différents clans, groupes et régions. La personne qui a signé cet accord représente une petite fraction. Alors est-ce que cette petite fraction est d’accord avec les autres ? Si c’est le cas, cela renforcerait énormément la position des Tigréens " explique t-il.
L’OLA avec ses quelques milliers de membres est en effet issue du Front de libération de l’Oromo (OLF), un parti d’opposition dont les membres sont d’anciens exilés revenus en Ethiopie quand le premier ministre Abiy Ahmed a pris le pouvoir en 2018.
Pas de surprise
Les autorités éthiopiennes ne sont pas restées silencieuses sur le sujet. Elles dénoncent l’entente entre les forces tigréennes et l’armée de libération oromo qu’elles appellent OLF-Shane. Selon Billene Seyoum la porte parole du premier ministre éthiopien "ce n'est pas une surprise pour le gouvernement fédéral, cette alliance entre deux groupes terroristes. Les deux groupes ont été désignés comme terroristes par la Chambre des représentants du peuple début mai (...) Le gouvernement a indiqué depuis plus de deux ans maintenant que le TPLF utilise Shane pour sa mission destructrice " précise t-elle.
En neuf mois de guerre, les forces pro-TPLF ont repris le contrôle du Tigré et progressé dans les régions de l’Afar et de l’Amhara.
La paix oui mais...
Pour exiger la fin des combats, les Etats-Unis ont annoncé l’envoi d’un émissaire mais pour Gérard Prunier, le conflit ne sera résolu que par la victoire d’un des deux camps ce qui ne présage pas d’une paix solide. " Il faut que les Ethiopiens eux-mêmes y mettent un terme et dans une guerre civile, c’est lorsqu’un côté triomphe sur l’autre. Le problème, c’est qu’évidemment avec un peu de chance, les Tigréens et leurs alliés Oromo, avec d’autres, gagnerons cette guerre. Mais est-ce qu’ils ne vont pas comme en 1991 perdre la paix ? Quand elle va arriver, quelle paix y aura-t-il ? " s'interroge le chercheur.
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Le TPLF a dominé la vie politique en Ethiopie pendant près de trois décennies avant d’être écarté. Le conflit actuel au Tigré a déjà fait des centaines de victimes et créé une crise humanitaire inquiétante. La France a pour sa part suspendu depuis juillet sa coopération militaire avec l'Ethiopie.