Le djihadisme et le terrorisme font des milliers de morts en Afrique. Des millions de personnes sont aussi obligées de fuir leurs maisons pour vivre dans des camps à l’intérieur de leur pays ou à l’extérieur.
A quand cela remonte le djihadisme et le terrorisme en Afrique ? Que veulent les groupes djihadistes et terroristes ? Et pourquoi ils continuent d’avoir pignon sur rue en Afrique.
Pour nous permettre de bien comprendre de quoi on parle, quelques clarifications sont nécessaires de deux mots que l’on entend très souvent sans toujours mieux toucher du doigt ce dont il s’agit. Djihadisme et terrorisme.
Djihad mineur et majeur
Le djihadisme provient du mot djihad qui lui-même désigne un effort vers un but ; selon le dictionnaire Larousse un effort, un combat sur le chemin de Dieu. Mais plusieurs recherches distinguent deux types de djihad : le djihad majeur qui est donc un effort moral et religieux individuel contribuant à l’épanouissement personnel du musulman. Cet effort passe par la patience, le travail et le fait de dire la vérité par exemple.
Et il y a le djihad mineur qui est un combat qui consiste à défendre le domaine de l’islam. Ce qui suppose aussi prendre les armes pour convertir des communautés à l’islam. Alors, ça c’était à l’avènement de l’islam.
Pour Europol, les djihadistes justifient l’usage de la violence en faisant référence à la doctrine islamique classique sur le djihad.
Selon le centre fédéral allemand pour l’éducation politique, dans la doctrine des djihadistes, mener le djihad devient une obligation lorsqu'un pouvoir est considéré comme "non islamique" et donc "injuste". Mais il est important de rappeler que les groupes djihadistes font de l’extrapolation aujourd’hui. Le djihad ne dit pas qu’il faut tuer, encore moins s’en prendre à des personnes vulnérables comme les femmes et les enfants.
A noter que les attaques djihadistes ont pris de l’ampleur avec les attaques du 11 septembre 2001 à Ney York aux Etats-Unis. Mais plusieurs experts estiment que le mouvement djihadiste existait des décennies avant. On parle bien là du djihadisme mineur qui a été extrapolé.
Stratégie antiterroriste mondiale
Le Conseil de sécurité des Nations unies avait voté la résolution 1566 d’octobre 2004 dans laquelle elle définissait le terrorisme. En janvier 2006, l’Assemblée générale des Nations unies allait dans le même sens en déclarant dans la résolution 60/43 que les actes de terrorisme sont définis comme des "actes criminels conçus ou calculés pour terroriser l’ensemble d’une population, un groupe de population ou certaines personnes à des fins politiques". Il y a 18 ans, l’Assemblée générale de l’Onu a adopté la Stratégie antiterroriste mondiale. En 2007, le Secrétaire général de l’Onu, le Sud-Coréen Ban Ki-Moon déclarait : le terrorisme nuit à tous les pays - petits et grands, riches et pauvres.
Chaque pays a tout de même sa propre définition du terrorisme. Selon Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme "les définitions ambiguës du terrorisme dans certains Etats ont conduit à des politiques et des pratiques qui violent les libertés fondamentales des individus et des populations, et qui sont discriminatoires à l’égard de groupes particuliers".
Amalgames au Mali
Au Mali, les termes djihad, djihadisme font polémique. Et les médias sont souvent pointés du doigt. Dans ce pays sahélien plongé depuis 2012 dans la pire crise sécuritaire de son histoire, les actes de terreur sont perçus de façon globale comme du djihadisme. La dénomination djihad est ainsi utilisée par les médias, mais aussi au sein des populations pour décrire toute action pouvant les terroriser. Les associations musulmanes dénoncent des amalgames autour de la question alors que l’Etat préfère parler de terrorisme. Les explications de Mahamadou Kane, notre correspondant à Bamako à écouter ci-contre.
Et parmi les nombreux groupes djihadistes qui règnent par la terreur en Afrique, il y a aussi le mouvement islamiste Boko Haram. Considéré par le Conseil de sécurité des nations unies comme un groupe terroriste, le mouvement naît en 2002 à Maiduguri, dans l’Etat de Borno, dans le nord-est du Nigeria. En 2009, Abubakar Shekau prend la tête avant de se suicider il y a trois ans.
Bring back our girls !
Dans le village de Chibok au Nigeria, des parents de filles de Chibok se sont rassemblés pour une prière commune, deux ans après l’enlèvement de 276 filles dans un lycée par le groupe extrémiste Boko Haram, c’était le 14 avril 2014. Une semaine après l’enlèvement, la campagne Bring back our girls, rendez-nous nos filles, est lancé. Des célébrités comme Michelle Obama, Hilary Clinton se joignent à la campagne.
Ce rapt aurait pu être évité, explique Yakubu Nkeki, représentant des parents des filles de Chibok, enoyée spéciale de la DW au Nigeria Kathrin Gänsler.
"Quand ces filles étaient ici, il n'y avait aucune sécurité pour elles. Elles étaient seules, sans aucune protection. De toute façon, il n 'y avait que 15 soldats pour tout Chibok. Pourtant, nous avons toujours su que la région n’était pas sûre et que 15 soldats ne serviraient pas à grand-chose."
Dix ans après l’attaque de Boko Haram, Amnesty International évoquait encore en avril dernier que 82 filles étaient encore en captivité, sur donc les 276 qui avaient été enlevés.
L'armée nigériane a ainsi pu sauver certaines d’entre elles. Comme cette lycéenne de la ville de Chibok. Comme Ihi Abdu qui au micro de l'un de nos correspondants au Nigeria, Al-Amin Suleiman Muhammad dit avoir "été mariée avec au total huit militants différents de Boko Haram. Certains ont divorcé d’avec moi. D'autres sont morts".
Dans un article publié en mars dernier, à retrouver sur le site en anglais dw.com, des anciens combattants de Boko Haram vivant dans les camps dans l’Etat de Borno menaçaient de reprendre les armes, frustrés de ce que leurs besoins essentiels ont été ignorés.
Lors de son discours il y un mois à l’occasion de la fête de l’indépendance, le président Bola Tinubu a indiqué que son administration est en train de gagner la guerre contre le terrorisme. Notre objectif est d'éliminer toutes les menaces de Boko Haram, a-t-il dit. Et d’ajouter que plus de 300 commandants de Boko Haram et de bandits ont été éliminés par nos vaillantes troupes. Pour autant, Amnesty International estimait que les autorités n’ont pas tiré des leçons de Chibok alors que les attaques de Boko Haram visant des établissements ont continué.
En RDC, plus de 200 groupes armés sévissent notamment dans l’est du pays. Les plus en vue : le M23, la Codeco mais aussi les rebelles des forces démocratiques alliées, les ADF. Cette rébellion musulmane d’origine ougandaise est implantée depuis le milieu des années 1990 dans l'est de la RDC, où ils ont tué des milliers de civils et multiplié ces derniers mois meurtres et pillages. Le groupe est considéré par les Etats-Unis comme un groupe terroriste. La suite de qui sont les ADF, c’est Nicaise Kibel’Bel Oka, journaliste d’investigation et écrivain, spécialiste des questions de défense et de sécurité qui nous le raconte.
Pour finir cette émission, un invité très au fait du sujet. Abdoulaye Sounaye, spécialiste des groupes djihadistes dans le Sahel. Il dirige un département de recherche dans un institut de recherche, le Leibniz-Zentrum Moderner Orient à Berlin, ici en Allemagne. Je lui ai demandé d’abord pour commencer ce qu’est le djihadisme. Ecoutez l’interview ci-contre.