Berlin lance la restitution des bronzes du Bénin au Nigeria
1 juillet 2022A Berlin, les ministres allemandes des Affaires étrangères et de la Culture ont signé ce vendredi (01.07) une déclaration d’intention en présence de leurs homologues nigérians pour la restitution des bronzes du Bénin détenus par les musées allemands.
Des sculptures en bronze, en laiton, des objets d’art en ivoire, en corail ou en bois : en tout il s’agit de plus de 1.100 œuvres jusque-là exposées dans des musées à travers l’Allemagne, que ce soit à Stuttgart, Berlin, Cologne ou encore à Hambourg.
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Ces œuvres ont été volées à l’époque coloniale à la fin du 19è siècle par les Britanniques dans ce qui constituait alors le Royaume du Bénin, qui fait aujourd’hui partie du Nigeria.
Une grande partie des objets pillés finira sa course en Allemagne quelques années plus tard par des ventes aux enchères, assurant au pays, la deuxième plus grande collection de bronzes du Bénin au monde après le Royaume-Uni.
Un nouveau récit
Pour Nanette Snoep, qui dirige le Musée Rautenstrauch-Joest à Cologne, ces œuvres sont les Warhols, les Rembrandts et les Dürers des musées ethnographiques :
"C’est une nouvelle page de l’Histoire qui s’écrit, un nouveau discours pour un monde postcolonial et décolonisé. Je pense qu’il ne s’agit pas juste d’une restitution d’œuvres d’art, c’est aussi une restitution de l’Histoire, il s’agit d’un nouveau récit."
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Elle souligne que désormais, c’est le Nigeria qui décidera de l’avenir des bronzes du Bénin, que ces restitutions ouvrent la voie à l’émergence d’une nouvelle éthique dans la coopération internationale.
Voilà près d’un siècle que l’Afrique réclamait ces œuvres. L’annonce de la France en 2018 de vouloir restituer les œuvres pillées finira par faire des vagues.
Une logistique complexe
Il n’y a toutefois pas encore de date concrète pour le retour physique des collections. Et la raison est logistique, explique Abba Isa Tijani, le directeur général de la Commission nationale pour les musées et monuments du Nigeria :
"Nous avons besoin de l’expertise de ceux qui seront en mesure de transporter ces objets. Vous devez avoir des assurances, il y a la conservation et l’emballage et ainsi de suite. Cela ne peut pas se faire d’un jour à l’autre."
Abba Isa Tijani ajoute qu’il faudra s’assurer que tout sera prêt au Nigeria :
"Nous ne voulons pas juste le retour de ces objets pour le principe. On veut être sûr que tous les moyens de stockage et les musées soient prêts avant que les œuvres retournent physiquement au Nigeria."
Rayonner au Nigeria et au-delà
Les bronzes doivent notamment être exposés dans différentes institutions et musées publics et dans des galeries. A Benin City, l'impatience est à son comble, comme en témoigne Godwin Obaseki, gouverneuer de l’Etat d’Edo :
"L'idée de ramener ces objets à la maison n'est pas seulement importante pour notre identité - ils font partie de nous - mais le monde pourra venir voir ce que nous avons créé."
Tous les bronzes du Bénin ne vont pas quitter l’Allemagne pour autant. Certains vont rester à titre de prêt. Des expositions sont aussi prévues dans des musées du monde entier.
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L’élan des restitutions est devenu international. Récemment encore, des dizaines de biens culturels de l'époque coloniale ont récemment été restitués au Nigeria par des mussés en Ecosse ou encore aux États-Unis.