L'Arménie fait face à un avenir incertain
29 septembre 2023C'est une semaine mouvementée qui s'achève dans le Caucase : après plus de 30 ans d'existence, la République séparatiste autoproclamée du Nagorny Karabakh a annoncé sa dissolution au 1er janvier 2024. Une décision radicale prise à la suite de l'offensive victorieuse de l'Azerbaïdjan qui a poussé, en quelques jours seulement, près de la moitié de la population de l'enclave à fuir vers l'Arménie.
Jeudi (29.09.2023), les autorités arméniennes avaient comptabilisé plus de 80.000 réfugiés, soit plus de la moitié de la population officielle du Nagorny Karabakh d'environ 120.000 habitants.
Problème : le gouvernement est complètement dépassé par cet afflux massif et ne parvient pas à offrir un toit et une assistance à tout le monde. Les Etats-Unis, qui ont annoncé une aide financière, vont aussi envoyer une équipe pour coordonner le soutien humanitaire.
Craintes d'un nettoyage ethnique
Pourquoi les habitants du Nagorny Karabakh fuient-ils ? A écouter les messages rassurants envoyés par l'Azerbaïdjan, ils n'auraient aucune raison de quitter leurs maisons. Bakou s'est aussi engagé à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes de partir.
Et même le Kremlin, pourtant allié historique d'Erevan, a appelé les Arméniens du Nagorny Karabakh à faire partie de la "société multiethnique azerbaïdjanaise".
De l'autre côté, cependant, c'est un tout autre son de cloche : le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a accusé l'Azerbaïdjan de mener "un nettoyage ethnique" dans l'enclave - une expression reprise par de nombreux observateurs occidentaux.
Moscou irrité par Erevan
Le Parlement arménien a mis à l'ordre du jour, mardi prochain, le vote de ratification du Statut de Rome à la Cour pénale internationale. Celle-là même qui a émis un mandat d'arrêt visant le président russe Vladimir Poutine pour des crimes commis en Ukraine.
La réaction de Moscou n'a pas tardé : le Kremlin a mis en garde Erevan contre une décision "extrêmement hostile". Il semblerait que la Russie ait bel et bien changé de camp.
Dans ce contexte, le dirigeant du Nagorny Karabakh, Samvel Chakhramanian, a pris les précautions nécessaires dans son décret annonçant la dissolution de la République : il a indiqué qu'une fois les conditions de retour connues, les habitants et les réfugiés pourront "individuellement prendre leur décision".
Des enjeux multiples
On rappelle que le Nagorny Karabakh est une région montagneuse à majorité arménienne qui a proclamé unilatéralement son indépendance en 1991, au moment de la chute de l'URSS.
Elle a déjà été au centre de deux conflits entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan : entre 1988 et 1994 puis à l'automne 2020. Et même si un cessez-le-feu a été négocié sous l'égide de Moscou à l'issue de cette deuxième guerre, de nombreux Arméniens craignent que la victoire éclair des troupes azerbaïdjanaises, la semaine dernière, soit le prélude à une offensive majeure contre la région de Siounik, dans le sud-est de l'Arménie.
La prise de celle-ci permettrait à l'Azerbaïdjan de relier le Nakhitchevan, une autre enclave, située à l'ouest de l'Arménie et frontalière de la Turquie. Or, Ankara est actuellement le plus proche allié du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev.