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Vers un encadrement du suicide assisté en Allemagne

Vu d'Allemagne
23 février 2022

Certains préfèrent l'appeler "aide à mourir dans la dignité" : en Allemagne, le suicide assisté est autorisé depuis deux ans, mais sans cadre légal. Trois projets de loi sont à l'étude, les associations qui militent pour le droit de choisir sa mort n'y sont pas favorables. // Au Brésil, la Covid-19 empêche de nouveau le carnaval, mais les Brésiliens ne se laissent pas décourager pour autant.

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Que faire lorsqu'on est atteint d'une maladie incurable et que chaque jour qui passe n'apporte plus que souffrance ? Que faire aussi lorsque le mal de vivre est si fort que la mort paraît la seule issue possible? En Allemagne, il est possible de faire appel à des organisations pour mettre fin à ses jours. 

Il y a deux ans, cette aide n'était pas possible. Une loi de 2015 interdisait en effet l'assistance répétée au suicide. Les associations qui la pratiquaient risquaient donc des poursuites pénales. 

Mais le 26 février 2020, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a levé cette interdiction, au nom du droit de chaque personne à décider elle-même de sa mort, indépendamment de son âge ou de son état physique et mental.

"Ce droit inclut la liberté de mettre fin à ses jours, de chercher de l'aide auprès de tiers à cette fin et, dans la mesure où elle est offerte, d'y recourir."

L'arrêt prononcé par le président de la Cour constitutionnelle, Andreas Voßkuhle, autorise explicitement le suicide assisté
L'arrêt prononcé le 26 février 2020 par le président de la Cour constitutionnelle, Andreas Voßkuhle, autorise explicitement le suicide assistéImage : picture-alliance/dpa/U. Deck

Les organisations pour un status quo

Depuis, le suicide assisté est de nouveau autorisé en Allemagne, du moins il n'est pas interdit. Et c'est très bien comme ça, estiment les associations qui militent pour le droit de mourir dans la dignité.

C'est le cas de la Deutsche Gesellschaft für Humanes Sterben (DGHS), que l'on peut traduire par "Société allemande pour une mort humaine". Wega Wetzel est la porte-parole de l'organisation:

"Selon nous, il n'y a pas besoin de nouvelle loi, nous pensons que les choses fonctionnent bien comme ça. Ce qui n'est pas encore assez clair pour les médecins, c'est qu'ils ont cette possibilité, et il est probable qu'il faudrait mieux les informer."

Le chemin jusqu'à la mort assistée est jalonné par des étapes : constitution du dossier, évaluation par un médecin, accompagnement personnalisé par les organisations... Jusqu'au jour J. 

Si les médecins ont le droit d'aider des patients à mourir en leur fournissant le médicament sédatif, ce sont les patients eux-mêmes qui doivent activer la perfusion ou absorber le médicament. 

L'euthanasie, un sujet tabou en Allemagne

C'est ce qui différencie le suicide assisté de l'euthanasie, qui est pratiquée par exemple en Belgique ou aux Pays-Bas. En Allemagne, l'euthanasie est interdite et le sujet est hautement sensible en raison, notamment de son usage par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi du poids des Églises.  

En Italie, la Cour constitutionnelle a rejeté le 15 février 2022 une demande de référendum sur la décriminalisation du suicide assisté, jugeant que les personnes les plus vulnérables n'étaient pas suffisamment protégées
En Italie, la Cour constitutionnelle a rejeté le 15 février 2022 une demande de référendum sur la décriminalisation du suicide assisté, jugeant que les personnes les plus vulnérables n'étaient pas suffisamment protégéesImage : Mauro Scrobogna/ZUMAPRESS/picture alliance

Les organisations qui aident à la fin de vie ne militent pas d'ailleurs activement pour sa légalisation. Florian Willet est porte-parole de l'association Dignitas Allemagne, qui a co-signé un appel avec la DGHS et l'association Sterbehilfe pour une "aide au suicide humaine en Allemagne".

"Nous n'avons absolument rien contre l'euthanasie qui peut être une délivrance pour certaines personnes. Mais nous ne nous battons pas pour elle parce que pour de nombreux médecins, elle représente une charge émotionnelle et psychique. Il y a toujours un risque minimal que quelqu'un dise que le patient n'était pas d'accord et qu'on ne puisse pas prouver qu'il s'agissait d'une décision du patient. Ce n'est pas du tout le cas avec le suicide assisté où la volonté du patient est formulée de manière absolument claire et où il est beaucoup moins probable qu'il y ait eu une pression extérieure."

En 2020, les juges constitutionnels ont toutefois recommandé au législateur de définir un concept de protection afin de prévenir les abus du suicide assisté.

Contre la "commercialisation" du suicide

Trois projets de loi sont actuellement à l'étude au Bundestag, et comme il s'agit d'un sujet qui relève de l'éthique, les députés n'ont pas l'obligation de voter selon leur groupe parlementaire. 

Les députés avaient adopté une loi qui pénalisait l'aide au suicide en 2015
Le défi d'une nouvelle loi est de ne pas être recalée de nouveau par Karlsruhe comme celle adoptée par les députés en 2015 Image : picture-alliance/dpa/K.-D. Gabbert

Le premier texte est d'ailleurs porté par des députés allant du camp conservateur jusqu'à l'extrême-gauche. C'est aussi le plus strict : il s'oppose à la "commercialisation" du suicide et propose de rendre de nouveau punissable, à de rares exceptions près, l'aide fournie par les associations. Lars Castelluci, du groupe social-démocrate, a justifié cette position au micro de la chaîne publique allemande ARD.

"Le droit de chacun à se tuer existe, il fait partie de notre droit à l'auto-détermination, mais nous devons aussi la protéger dans les cas où elle est soumise à des pressions extérieures ou intérieures, et c'est pourquoi nous prévoyons des règles qui disent que si quelqu'un ne respecte pas ces règles, il s'expose à des poursuites pénales."

Rendre les médicaments plus accessibles

Le deuxième projet rejette toute forme de pénalisation et plaide pour une réforme de la loi sur les stupéfiants, afin de rendre accessibles des médicaments plus adaptés pour l'assistance au suicide, tel que le Pentobarbital-Natrium, actuellement interdit en Allemagne.

Les associations d'aide au suicide réclament un accès au médicament létal Pentobarbital
Les associations d'aide au suicide réclament un accès au médicament létal Pentobarbital-Natrium, autorisé en Suisse mais pas en AllemagneImage : Imago/S.Spiegl

Le texte est soutenu notamment par le ministre de la Santé Karl Lauterbach, du SPD et la députée libérale Katrin Helling-Plahr qui l'a défendu lors du débat général au Bundestag, le 21 avril 2021.

"Le droit à une mort autodéterminée ne doit pas seulement exister sur le papier. L'humanité exige que les personnes concernées qui agissent de manière autodéterminée aient également accès à des médicaments pour se suicider et ne soient plus obligées d'aller à l'étranger, ou de recourir à des moyens plus incertains et plus douloureux de se suicider."

Le troisième projet de loi, proposé par l'ancienne ministre écologiste Renate Künast, plaide aussi pour un changement dans l'accès aux médicaments, mais propose aussi de faire une distinction entre les personnes dont la condition médicale justifie une fin de vie et celles qui veulent en finir pour d'autres raisons, en instaurant des étapes différentes selon les cas.

Mais surtout, Renate Künast estime qu'il est urgent de définir un cadre légal car l'assistance au suicide est un fait. 

"Des associations se rendent dans les maisons de retraite et conseillent sur le droit à la fin de vie, les médecins y sont confrontés et je pense que nous ne pouvons pas nous contenter d'une décision de justice, mais que nous devons également ouvrir une voie claire et juridiquement sûre."

Harald Mayer et deux co-plaignants atteints de maladies incurables avaient tenté d'obtenir l'autorisation de recourir au Pentobarbital, mais ont été déboutés début février 2022 en deuxième instance par le tribunal administratif de Münster
Harald Mayer et deux co-plaignants atteints de maladies incurables avaient tenté d'obtenir l'autorisation de recourir au Pentobarbital, mais ont été déboutés début février 2022 en deuxième instance par le tribunal administratif de MünsterImage : Guido Kirchner/dpa/picture alliance

Les associations contre des entretiens obligatoires

Les trois projets de loi ont un point commun : l'instauration d'entretiens obligatoires avec des psychologues ou psychiatres avant le recours à un suicide assisté. Il s'agit de garantir que la décision de mourir est prise librement et non sous la contrainte.

Un argument que réfute Florian Willet, de l'association Dignitas.

"Obliger une personne à se faire conseiller n'est pas acceptable. Il y a beaucoup de gens pour lesquels un entretien obligatoire représente une charge supplémentaire. Et il est difficile de garantir la qualité d'une consultation obligatoire, de garantir qu'elle soit neutre, que son issue soit ouverte sans que le conseiller ne fasse de recommandation. Donc nous sommes absolument favorables à des offres de consultation, mais sur une base volontaire et que personne n'y soit obligé."

Les associations s'opposent à toute obligation d'entretiens psychiatriques ou psychlogiques, ainsi qu'à des délais de réflexion fixés dans une loi. La décision appartient à l'individu, selon elles.
Les associations s'opposent à toute obligation d'entretiens psychiatriques ou psychlogiques, ainsi qu'à des délais de réflexion fixés dans une loi. La décision appartient à l'individu, selon elles.Image : Fotolia/X n' Y hate Z

En 2021, les associations Dignitas, DGHS et Sterbehilfe ont accompagné ou aidé près de 350 personnes à mourir en Allemagne. Des personnes atteintes de maladies graves ou tout simplement fatiguées de vivre malgré l'absence de souffrance physique. Les trois organisations ont également apporté de l'aide à des couples qui souhaitaient mourir ensemble.

Elles sont prêtes à retourner devant la Cour constitutionnelle si un projet de loi est adopté qui rendrait de nouveau punissable l'aide à mourir dans la dignité. 

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Pas de samba dans les rues brésiliennes en février

Le carnaval de rue a été reporté à Rio de Janeiro
Une ambiance que les Brésiliens auraient aimé retrouver cette année, mais il va falloir patientierImage : Marcelo Theobald/GDA/ZUMA/dpa/picture alliance

Retour à la vie pour la deuxième partie de Vu d'Allemagne.

En février, le Brésil résonne en principe au son de la samba et des millions de gens déguisés envahissent les rues pour le carnaval… Mais c'était avant Omicron!

Pour la deuxième année consécutive, le carnaval n'aura pas lieu ce mois-ci, mais ce n'est que partie remise : les défilés des écoles de samba de Rio de Janeiro et São Paulo sont décalés au mois d’avril au lieu d'avoir lieu en début de semaine prochaine. 

Mais alors que reste-t-il de l’esprit du carnaval, de ce moment de fête où les codes sont renversés et où l’on se moque des conventions ? Écoutez le reportage à São Paulo, Marie Naudascher.

 

Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.