Dani Dayan exige d'"agir maintenant" contre l'antisémitisme
18 janvier 2023Dani Dayan est le directeur du mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem. Ce monument est dédié aux victimes de l'Holocauste, le génocide des juifs planifié par les nazis. Aujourd'hui âgé de 67 ans, Dani Dayan entame le 22 janvier prochain sa première visite en Allemagne. Un voyage qui prend pour lui une résonnance toute particulière, surtout en temps de regain d'actes antisémites.
Antisémitisme inquiètant
"Hélas, l'antisémitisme reprend de la vigueur dans le monde entier", regrette Dani Dayan dans une interview accordée à la DW.
Depuis un an et demi, il dirige Yad Vashem et ce regain d'antisémitisme le mène à lancer un appel à tous les chefs d'Etat : "Si vous voyez se manifester de l'antisémitisme, agissez immédiatement, sans attendre. Si l'on attend, l'antisémitisme prendra des dimensions énormes, monstrueuses. Et alors il sera impossible de l'arrêter."
Le 22 janvier 2022, Dani Dayan se rend pour la première fois de sa vie en Allemagne.
Le "rempart" entre mémoire et politique
Né en 1955 en Argentine, sa famille s'est installée en Israël en 1971. Plus tard, Dani Dayan est devenu une figure politique connue dans le pays pour son engagement en faveur des colonies, en Cisjordanie occupée.
Mais il affirme que son passé politique n'a plus d'importance : depuis qu'il a été nommé directeur de Yad Vashem, Dani Dayan affirme avoir érigé "un rempart" entre mémoire et politique. Il prend sa mission actuelle très à cœur.
"Très jeune homme", Dani Dayan s'était juré de ne jamais mettre les pied en Allemagne qui représentait pour lui le pays des bourreaux du peuple juif. "Cela n'avait alors rien à voir avec l'expression d'une haine, explique-t-il dans son interview accordée à la correspondante DW Rebecca Ritters, je voulais simplement exprimer ainsi mon respect pour les six millions de juifs assassinés."
Gare aux frémissements !
Dani Dayan souligne les différences entre la période actuelle et les années 1930. A l'époque, le mouvement national-socialiste prenait de l'ampleur en Allemagne, sous la direction d'Adolf Hitler, et la folie raciste des nazis a débouché sur le génocide des juifs d'Europe.
Pour Dani Dayan, la situation actuelle n'est pas comparable. "Nous en sommes loin", dit-il. Mais, à la différence de nos aïeux il y a 80 ans, nous, nous savons maintenant "ce qui peut arriver" si on ne fait rien.
Il reconnaît que, peut-être, les contemporains des nazis n'ont pas cru qu'il était possible que quelqu'un qui brûle des livres ou met le feu à des synagogue se mette aussi à brûler des êtres humains.
Mais aujourd'hui, "nous savons que la situation peut escalader jusqu'à ce que des gens soient brûlés". D'où la nécessité de prendre ses responsabilités, poursuit Dani Dayan, pour combattre l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie.
Première rencontre à Yad Vashem
Si Dani Dayan vient en Allemagne, c'est sur l'invitation de Bärbel Bas, la présidente du Bundestag. La femme politique sociale-démocrate (SPD) s'est rendue en avril 2022 en Israël où elle a été la première représentante de haut-rang de l'Allemagne à prendre part à la cérémonie annuelle d'hommage, organisée par la Knesset, aux victimes de l'Holocauste.
Bärbel Bas s'est ensuite rendue à Yad Vashem à qui elle a donné un exemplaire de ses recherches au sujet d'une femme juive, Irma Nathan, originaire de la même ville qu'elle, et assassinée en 1942 par les nazis.
Une exposition au Bundestag
Bärbel Bas a ensuite invité Dani Dayan à inaugurer au Bundestag une exposition consacrée aux victimes du national-socialisme en amont des commémorations du 27 janvier.
Seize objets sont exposés, issus des collections de Yad Vashem, pour témoigner du quotidien des juifs contraints de quitter l'Allemagne ou massacrés par les nazis : un jouet, un chandelier à sept branches Chanukka, un journal intime, un piano… 16 objets pour 16 Bundesländer que compte l'Allemagne et 70 ans qui se sont écoulés depuis la création du mémorial de Yad Vashem, en août 1953.
Dani Dayan estime que "certains des objets [de la collection du mémorial] mettent les larmes aux yeux de quiconque est un être humain".
"La course contre la montre"
Inéluctablement, le nombre des témoins de l'Holocauste diminue avec temps. Ils sont de moins en moins nombreux à pouvoir raconter directement cette histoire aux jeunes générations. Dani Dayan le sait bien: un jour, il n'y aura plus aucun témoin vivant.
"Quand ce moment viendra, les négationnistes et les révisionnistes auront le vent en poupe. Ils croiront leur heure de gloire arrivée", craint Dani Dayan qui exhorte ses contemporains à ne pas oublier, pour gagner la lutte contre l'antisémitisme et la course contre le temps qui passe.
Selon le directeur du mémorial, Yad Vashem ne tente pas "de rééduquer les antisémites. Nous essayons d'apprendre des choses aux personnes respectables (…) pour qu'elles puissent s'opposer à l'antisémitisme."
Le rappeur Kanye West, par exemple, qui a multiplié les propos antisémites en recourant à des clichés éculés "est sans aucun doute antisémite", de l'avis de Dani Dayan qui ne l'inviterait donc pas à Yad Vashem, cela serait "une perte de temps".
En revanche, l'actrice américaine Whoopi Goldberg, qui a évoqué la Shoah comme un conflit entre deux groupes de blancs, qui n'avait rien à voir avec le racisme, Dani Dayan estime que ses propos sont la preuve de "l'ignorance" de la star qui ne connaît tout simplement pas "le fait que les nazis considéraient - à tort ou à raison - les juifs comme une race".
Visite-éclair, agenda chargé
Dani Dayan va profiter de son tout premier voyage en Allemagne pour passer deux jours à Berlin. Il va donc y rencontrer la présidente du Bundestag, mais aussi le président de la République, Frank-Walter Steinmeier, le chancelier Olaf Scholz, ainsi que le ministre des Finances et des représentants politiques écologistes et conservateurs.
Dani Dayan ira également voir le monument en mémoire des juifs massacrés en Europe, qui se trouve en plein cœur de Berlin. Et le soir même, il est attendu pour l'inauguration d'une autre exposition… à New York.
Pour lui, l'important est de "maintenir vivante la flamme du souvenir de l'Holocauste". Pour que cela ne se reproduise pas. "Jamais", dit-il, ni au peuple juif ni à aucun autre peuple.