1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Les étudiants allemands face à l'inflation

24 août 2023

L'augmentation du coût de la vie n'épargne pas les étudiants en Allemagne, bien au contraire : un tiers est menacé de pauvreté. Malgré les aides de l'Etat, beaucoup d'étudiants ont du mal à joindre les deux bouts...

https://p.dw.com/p/4VSSn
Image symbolique du taux d'inflation en Allemagne
L'inflation fait souffrir les budgets serrés des étudiants allemands. Ils profitent des vacances d'été pour gagner un peu d'argent avent que la rentrée commence dans quelques semaines. Image : Andreas Gebert/picture alliance/dpa

Nous sommes dans un quartier tranquille en périphérie de Bonn, à l’ouest de l’Allemagne. Devant un immeuble blanc à quatre étages,  nous retrouvons Joachim Meisen, 24 ans.

Cet automne, il va commencer ses études en sociopolitique durable à Bonn. Bien que la rentrée ne soit que dans quelques semaines, il est déjà à la recherche d'une chambre pour se loger, car trouver une chambre à Bonn relève de l'exploit"La recherche d'un logement est difficile, j'ai dû envoyer 30 à 40 demandes et j'ai reçu cinq réponses." Aujourd'hui, l'étudiant a rendez-vous dans une colocation, un logement partagé à plusieurs. 

Un futur étudiant à la recherche d'un logement en Allemagne
Joachim Meisen est à la recherche d'un logement à Bonn, en Allemagne, mais peine à trouver une chambre qui correspond à son budgetImage : Juliette Nichols/DW

Son budget est de 500 €, mais la colocation qu'il visite aujourd'hui est presque 100 € au-dessus. Un loyer "théoriquement faisable avec un peu de volonté", estime-t-il.

Joachim manque d'alternatives :  "C'est déjà difficile de trouver un appartement dans cette tranche de prix. Quelque part, on est aussi obligé de faire des compromis si on a besoin d'un appartement."

Un "casting" pour obtenir un logement

Une offre largement inférieure à la demande favorise la hausse des prix. Le coût du logement pour les étudiants a explosé ces dernières années. En moyenne, une chambre en colocation dans une ville universitaire allemande coûte 450 €, contre 380 € il y a trois ans. La ville bavaroise Munich est la triste gagnante de cette envolée des prix, les étudiants paient en moyenne 720 € pour se loger. 

Mais les loyers chers ne sont pas les seuls défis à relever lors de la recherche d'une chambre. En raison d'une forte demande, les étudiants doivent souvent passer un "casting". Ceux qui habitent déjà le logement décident s'ils acceptent le candidat ou la candidate, si le courant passe bien. 

Joachim veut y faire bonne figure, mais tente de ne pas se laisser intimider. Il est surtout curieux de voir l'appartement et ses futurs colocataires, à condition qu'ils se décident pour lui. 

"À la fin du mois, mon compte est proche de zéro" 

Le logement n'est pas le seul problème pour les étudiants. À une centaine de kilomètres plus au nord, à Bochum, nous rencontrons Meret Jarzombek, étudiante en sciences du sport. Assise à l'entrée de la bibliothèque de l'université, la jeune femme de 25 ans profite de sa pause du midi pour lister les augmentations récentes.

Photo d'archive: stand de légumes sur un marché de rue
Partout, dans le monde, les prix sont à la hausse. L'inflation en Allemagne a fait grimper les prix en 2022 de presque 8%Image : Miguel Schincariol/AFP

Pour un plein d'essence, elle paie 70 € au lieu de 50 € il y a quelques mois encore. Son loyer coûte également 40 € de plus par mois, en raison d'une augmentation du prix du gaz. Et elle doit aussi se nourrir : "Si je remplis un sac de courses, ça dépend de ce que j'achète, mais c'est vrai qu'en ce moment, je dépense plutôt 30-40 €, alors qu'avant, c'était entre 15 et 20 €", déplore-t-elle. 

Meret remarque bien l'augmentation des prix sur son compte bancaire : "A la fin du mois, mon compte est proche de zéro, parfois même juste en dessous."  

L'étudiante estime toutefois qu'elle s'en sort encore relativement bien, comparé à d'autres étudiants. "Avec des études à plein temps, c'est bien sûr difficile, parce qu'on n'a pas toujours le choix et qu'on ne peut pas dire : 'Oui, je vais travailler plus'. Mais je ne connais personne qui finance ses études sans aide ou sans devoir travailler", affirme Meret.

La plupart des étudiants dépendent du financement de leurs parents. Si ces derniers ont des revenus trop faibles, l'Etat peut apporter son soutien, en forme de Bafög, l'équivalent d'une bourse d'études. Des aides qui peuvent aller jusqu'à 934 € par mois, mais les conditions pour l'obtenir sont strictes. Par ailleurs, la moitié de l'argent reçu doit être remboursée après les études.

L'étudiante Meret Jarzombek dans la bibliothèque de l'Université de Bochum
Meret Jarzombek estime qu'elle s'en sort relativement bien comparé à d'autres étudiants, mais elle aussi doit faire attentionImage : Juliette Nichols/DW

Des aides insuffisantes

Cette année, le montant du Bafög a un peu augmenté, mais il peine à suivre le rythme de l'inflation.

De plus, le gouvernement, obligé de faire des économies en 2024, prévoit d'amputer d'un quart le budget dédié au Bafög. Jens Brandenburg, secrétaire d'État parlementaire au ministère fédéral de l'Éducation et de la Recherche, se veut toutefois rassurant. Il promet que les étudiants ne sont pas laissés pour compte par l'Etat et souligne que "l'accès aux études ne doit pas être freiné par la situation financière et des étudiants."

Selon lui, l'Etat a mis en place toute une série de mesures supplémentaires qui soutiennent les étudiants, comme par exemple le versement unique de 200 € à tous les étudiants au printemps dernier, mais aussi un soutien de 300 € supplémentaires pour tous ceux qui travaillent à côté de leurs études. 

Des étudiants devant l'université de Bochum
Malgré les aides, les étudiants en Allemagne doivent resserrer leur budgetImage : Juliette Nichols/DW

Des aides bienvenues, mais qui ne correspondent pas toujours à la réalité d'étudiantes comme Meret. Elle a d'ailleurs renoncé à renouveler sa demande de Bafög. "J'avais droit à 100 euros de Bafög, ce qui est mieux que rien, mais ce n'est pas beaucoup non plus. Mais il y a des étudiants qui ne peuvent recevoir le Bafög, parce que les parents gagnent trop. Et tous les étudiants n'ont pas de bonnes relations avec leurs parents et ne reçoivent pas toujours assez d’argent de leur part."

Le versement unique de 200 euros n'a pas non plus vraiment changé la donne, juge Meret : "200 €, c'est bien, mais l'argent est dépensé très vite avec la hausse des prix. Ça n'a pas fait beaucoup de différence."  

Matthias Anbuhl est du même avis. Pour le président de l'association des étudiants allemands, il faut que l'Etat soutienne beaucoup plus les étudiants. Une nécessité sociale, mais aussi dans l'intérêt de l'économie allemande estime-t-il : 

"Nous avons besoin de plus de personnel hautement qualifié, parce que l'Allemagne est en manque de main d'œuvre. Je dis que les étudiants actuels sont les futurs ingénieurs, informaticiens, médecins, enseignants et nous en avons besoin d'urgence. C'est pourquoi la société allemande ne peut pas se permettre d'avoir des étudiants qui sont obligés d'arrêter leurs études par manque d'argent". 

Les étudiants étrangés complètement oubliés

Une menace qui plane aussi sur les étudiants étrangers, dont l'Allemagne a pourtant besoin pour combler son manque de main d'œuvre. Malgré l'augmentation du coût de la vie, beaucoup d'entre eux ne touchent aucune aide. Ceux qui viennent de pays hors Union européenne doivent d'ailleurs fournir un justificatif de revenu mensuel pour poursuivre leurs études en Allemagne. 

L'étudiant  Hatim El Houahabi devant l'université de Bochum
L'étudiant Hatim El Houahabi s'inquiète pour son avenir, lui qui souhaiterait rester en AllemagneImage : Juliette Nichols/DW

C'est le cas de Hatim El Ouahabi, qui étudie depuis trois ans l'ingénierie mécanique à l'université de Bochum. Nous le rencontrons sur le chemin de la bibliothèque.

Pour Hatim, le budget mensuel est maintenant très serré: "J'arrive seulement à payer le loyer, l'assurance et me nourrir. Les autres activités comme voyager ou autre, c'est non”.

Hatim déplore le manque de reconnaissance envers les étudiants étrangers et s'inquiète pour son avenir, lui qui souhaiterait rester en Allemagne: "Ce qui me fait peur, ce n'est pas seulement l'inflation ou la situation économique, mais aussi la situation politique. Parfois, on a juste ce sentiment que notre futur en Allemagne a une date et qu'après nous devrons partir.” 

De retour à Bonn, Joachim Meisen poursuit, lui, sa recherche d'une chambre étudiante. Il n'a malheureusement pas été retenu pour la colocation qu'il avait visitée. Mais il garde le moral: "J'ai hâte de commencer mes études, d'apprendre beaucoup de nouvelles choses, mais aussi de découvrir une nouvelle ville, de rencontrer beaucoup de nouvelles personnes et de me réinventer".

Il lui faudra pour cela de l'argent. En moyenne les étudiants allemands doivent dépenser plus de 900€ par mois pour faire face à leurs besoins.