Comme de nombreux lycéens, Gloria, Joysse et Anaïa ont voté pour la première fois aux élections européennes dimanche 9 juin. Au lendemain du vote,elles ont été choquées par les résultats.
A droite toute... y compris chez les jeunes
Chez les jeunes de 16 à 24 ans, le parti d'extrême-droite AfD arrive en deuxième position, avec 16% des suffrages exprimés, soit 11 points de plus qu'en 2019... Derrière les conservateurs de la CDU/CSU, qui obtiennent 17%.
"Je savais déjà que les résultats peut-être seraient ainsi, mais j'avais toujours l'espoir que la majorité de la population voterait pour la gauche", se désespère Gloria. "Voir que c'est surtout les jeunes de notre génération qui votent pour l'[extrême] droite, c'est vraiment triste et vraiment, ça fait peur pour l'avenir."
Joysse se demande si c'était une bonne idée de donner le droit de vote aux jeunes de 16 ans... "J'ai l'impression que ma génération a pris cette élection très à la légère et cela va avoir un impact négatif sur l'Europe", estime-t-elle.
Anaïa affiche elle aussi son inquiétude : "Je trouve que c'est assez inquiétant de me dire que ce sont les jeunes générations qui vont grandir et rester sur cette planète encore bien des années qui sont en train de s'extrémiser de plus en plus."
L'effondrement des écologistes
Frank Greuel, quant à lui, n'est pas vraiment surpris des résultats des élections européennes. Selon le chercheur à l'Institut allemand de la Jeunesse (DJI), la tendance était déjà repérable lors des dernières élections régionales en Bavière, en 2023.
Ce qui l'a en revanche davantage étonné, c'est l'ampleur des pertes du parti écologiste "Die Grünen". En 2019, les Verts allemands avaient obtenu 34% des voix chez les 16-24 ans. Cette fois, ils ont fait 11%, soit une perte de 23 points...
"Jusqu'à présent, il y avait toujours un taux d'approbation élevé parmi les jeunes pour les Verts, donc pour un parti qui est centré sur les questions socio-écologiques et qui est globalement progressiste. Et là, on voit que l'approbation a rapidement chuté et qu'elle va désormais aux partis conservateurs, voire à l'AFD en tant que parti populiste de droite."
Comment expliquer ce revirement ? Pour Henriette Heimbach, chercheuse en sciences politiques à l'Université du Luxembourg et chercheuse associée au Centre Marc Bloch, la dégringolade des écologistes est notamment lié au contexte, qui a changé depuis 2019.
"C'était un autre moment dans le temps, parce qu'il y avait ce mouvement des Fridays for Future qui étaient très présent et il n'y avait pas des crises comme la pandémie et aussi la guerre en Ukraine."
Selon elle, les jeunes ont également été déçus par les Verts qui sont depuis 2021 dans le gouvernement de coalition avec le SPD et les libéraux. "À leur avis, ils n'ont pas beaucoup changé en direction de la protection du climat par exemple. Cela joue aussi sur leur vote", estime la politologue.
Les préoccupations des jeunes ont changé
Il y a cinq ans, les jeunes étaient majoritairement inquiets de la crise climatique. Cinq ans plus tard, les préoccupations ont changé. Les jeunes sont désormais inquiets pour leur avenir, notamment économique. Autant de peurs sur lesquelles l'AfD sait surfer, explique Frank Greuel.
"Le discours est toujours le même : soit les partis de l'actuel gouvernement, c'est-à-dire le SPD, les Verts et le FDP, veulent tout changer et sacrifier la prospérité au profit d'un tournant écologique, soit la prospérité de l'Allemagne est gravement menacée par l'immigration. Ce sont les deux motifs principaux", explique le chercheur.
Avec des partis établis qui ne réussissent pas à présenter des solutions satisfaisantes d'un côté, et de l'autre un parti AfD qui présente des solutions apparemment simples, les jeunes trouvent des réponses rassurantes, souligne encore Frank Greuel.
Un avis que partage la politologue Henriette Heimbach. Selon elle, le succès de l'AfD n'est pas seulement le résultat d'un vote de contestation de la part des jeunes, mais que ceux-ci "pensent aussi que l'AFD peut faire une bonne politique pour eux. Les études ont montré que c'est la première fois qu'il y a une majorité des jeunes qui ne font pas seulement ce vote de contestation, mais qui pensent aussi vraiment que l'AFD peut changer leur vie pour le mieux. Et je crois que ça, c'est aussi inquiétant parce que les réponses de l'extrême droite sont faciles à comprendre mais ne sont pas à la hauteur des des questions de société complexes."
L'AfD numéro un des partis sur TikTok
Pour Henriette Heimbach comme pour Frank Greuel, le succès de l'AfD est également lié à sa forte présence sur les réseaux sociaux.
"L'AfD y est vraiment beaucoup plus présente et cela commence par le nombre d'abonnements sur YouTube et se termine par TikTok, où Maximilian Krah, le candidat principal pour les élections européennes, s'adresse également aux jeunes de manière ciblée, en vidéo", explique Frank Greuel.
"Il est là en tant que personne, il les regarde dans les yeux et leur parle, c'est unique, cela n'existe ni chez les Verts, ni chez le FDP, le SPD, la CDU, la CSU... tous ces partis ont certes des chaînes TikTok, mais ils n'atteignent pas autant de jeunes. C'est une différence marquante quand on sait qu'aujourd'hui, les jeunes s'informent notamment via TikTok sur la politique. Un parti qui s'adresse directement à eux, c'est un signe d'estime qu'ils ne reçoivent de la part d'aucun autre parti, et c'est quelque chose qui, je le crains, leur plaît beaucoup."
Selon Frank Greuel, les partis établis auraient tout intérêt à améliorer leur communication, mais aussi à s'intéresser sérieusement à la jeunesse.
Un tiers des électeurs de 16 à 24 ans ont voté pour des "petits" partis, un signe que beaucoup d'entre eux cherchent des réponses dans les programmes et ne cèdent pas forcément aux sirènes populistes.
++++++++++++++++++++++
Boom du stand-up en Turquie : quand l'humour aide à combattre la morosité
Depuis quelques années, dans les grandes villes de Turquie, les stars du stand-up s’adressent à un public toujours plus large. La génération montante de comédiens aborde des tabous sociaux et politiques dans une société qui peine à recréer du lien commun.
Et ce, après une décennie particulièrement éreintante politiquement : tentative de coup d’État, montée de l’autoritarisme et difficultés liées à la crise économique. L’humour devient alors l’antidote à une atmosphère politique morose.
Un reportage de Marie Tihon et Céline Pierre-Magnani à Istanbul