Le logement, enjeu électoral à Berlin // En France, le combat des enfants de harkis pour la reconnaissance
Pari réussi pour Olaf Scholz, mais aussi Manuela Schwesig et Franziska Giffey... Tous les trois ont conduit le SPD à la victoire dimanche 26 septembre.
Si Olaf Scholz a remporté les élections fédérales mais n'est toujours pas sûr d'être le prochain chancelier, il en va autrement pour Franziska Giffey à Berlin et Manuela Schwesig en Poméranie. Elles seront toutes deux à la tête d'un gouvernements régional ces cinq prochaines années.
Manuela Schwesig, le visage du Mecklembourg
Entre elles, c'est Manuela Schwesig qui a le plus de raisons de triompher après sa victoire aux élections du Land de Mecklembourg-Poméranie-occidentale : près de 40% des voix, voilà un score que les sociaux-démocrates auraient aimé atteindre au niveau fédéral.
L'ancienne ministre est à la tête de la région du nord-est de l'Allemagne depuis 2017, mais c'est la première fois qu'elle remporte une élection puisque son prédécesseur avait dû démissionner pour des raisons de santé. Elle ne cachait pas sa joie, dimanche soir, à l'annonce des résultats qui la placent loin devant les autres candidats.
"Je suis très heureuse d'avoir pu être ces quatre dernières années à la tête du plus beau Land d'Allemagne et je suis aussi très reconnaissante que les électeurs m'aient donné un mandat aussi clair pour rester ministre-présidente."
Pour le politologue Roland Sturm, professeur en sciences politiques à l'université d'Erlangen, la victoire de Manuela Schwesig n'a rien d'étonnant. Il constate une tendance grandissante en Allemagne : la personnalisation de la politique.
"Parce qu'on a de moins en moins d'électeurs réguliers et de plus en plus de gens qui sont mal informés ou s'orientent par rapport à ceux qui gouvernent déjà. Dans cette région, c'est très clair. Le SPD n'a même pas inscrit le nom du parti sur les affiches où figurait Manuela Schwesig. Il était vraiment clair que le SPD allait gagner, il ne pouvait pas perdre."
Loin derrière le SPD, le parti d'extrême-droite AfD s'est de nouveau imposé comme deuxième force politique de la région avec 16,7% des voix. Un score inférieur à celui des précédentes élections, mais selon Roland Sturm, cela est surtout dû à une augmentation de l'abstention.
Pour Manuela Schwesig, les possibilités de coalition sont nombreuses. Elle peut aussi bien pencher vers la gauche, en s'alliant au parti Die Linke, que vers le centre avec les libéraux et les écologistes, ou bien tout simplement reconduire la grande coalition avec la CDU au pouvoir depuis 2016. Le politologue Roland Sturm estime toutefois que les conservateurs, qui ont perdu presque 6 points par rapport aux précedentes élections, devraient y réfléchir deux fois.
"On voit apparemment même au niveau fédéral que le partenaire junior ne sort jamais gagnant d'une coalition, mais que c'est toujours le partenaire senior. Mme Merkel a engrangé tous les bénéfices de ce que le SPD a atteint. Donc la CDU doit bien réfléchir pour savoir si elle aide à constituer une majorité et obtient des postes ou si elle préfère pour sa propre survie aller dans l'opposition pour se refaire un profil et retrouver des électeurs."
Les Berlinois pour l'expropriation des grandes sociétés immobilières
À Berlin aussi, les négociations de coalition sont en cours après la victoire du parti social-démocrate avec 21,4% des voix, juste devant les écologistes qui ont obtenu 18,9%. Les deux partis étaient au coude-à-coude dans les sondages de sortie des urnes, mais ce qui certain, c’est que la ville-État de Berlin aura une femme à sa tête - l'actuelle ministre de la Famille Franziska Giffey.
Cette dernière n'a pas forcément envie de reconduire la coalition avec Die Linke et les Verts. Une question centrale s'est en effet invitée dans la campagne: celle du logement. Dimanche 26 septembre, les Berlinois devaient aussi répondre à un référendum d’initiative citoyenne : pour ou contre la "nationalisation" de sociétés immobilières possédant plus de 3.000 logements. Résultat: le oui l'a emporté à 56,4% ! Sauf que Franziska Giffey ne soutient pas cette mesure portée par les écologiste, Die Linke et l'aile gauche du SPD berlinois.
Karim Fertikh est maître de conférences en sciences politiques à l'université de Strasbourg. Il explique pourquoi cette question du logement est devennue si importante à Berlin
"Berlin a joui longtemps d'une situation favorable après la réunification mais depuis une vingtaine d'années, les loyers ont augmenté de 85%... Berlin a cette particularité d'avoir depuis longtemps des organisations qui ont à coeur cette question du logement et beaucoup de coopératives actives dans ce domaine qui contribuent de faire à cette question une question sociale. C'est un peu la tension qui existe entre le logement comme besoin fondamental et le profit qui s'exprime dans le projet de nationalisation grands groupes locatifs à Berlin."
Avant les élections, Franziska Giffey avait donc fait campagne contre cette idée. Aujourd’hui la future maire de Berlin est obligée de mettre de l’eau dans son vin, même si elle n'a pas changé d'avis sur le fond.
"Je me suis positionnée très clairement là-dessus avant les élections je suis toujours convaincue que l'expropriation ne contribuera pas à créer un seul nouveau logement ni à régler la question du logement abordable. Mais nous avons un référendum qui a donné un résultat clair que nous devons en respecter, nous devons agir avec responsabilité."
Les résultats du référendum ne sont pas contraignants
L'initiative favorable à l'expropriation part du principe que les loyers pourront baisser si les logements ne sont plus détenus par des sociétés à but lucratif, et que cela profiterait au marché du logement dans son ensemble. Mais pour le politologue Roland Sturm, c'est omettre le coût d'une telle mesure pour les caisses publiques.
"Le Land de Berlin est fauché, où comptent-ils prendre l'argent pour dédommager les sociétés immobilières? On ne peut pas exproprier les gens en Allemagne aussi simplement, il faut leur donner de l'argent."
Karim Fertikh reste quant à lui prudent sur les effets de la mesure.
"On ne sait pas exactement si cette mesure va être mise en oeuvre telle que votée car elle n'est pas contraignante. Ce qui est certain c'est que cela met l'autorité politique dans une position de négociation un peu plus forte vis-à-vis des grands groupes car cela leur laisse cet instrument sur la table pour établir un rapport de force avec les grands groupes propriétaires de plusieurs centaines de milliers de logements à Berlin."
Jusqu'ici, le marché de l'immobilier ne semble pas trop impressionné par le résultat du référendum, dont la mise en œuvre dépendra de la coalition qui sera au pouvoir dans la capitale allemande.
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Près de 60 ans après, les harkis luttent toujours pour leur reconnaissance
La France rendait hommage aux Harkis le 25 septembre... Une journée nationale à la mémoire de ces supplétifs algériens engagés pendant la guerre d'Algérie par l'armée française. Plusieurs historiens estiment qu’il y a eu 400.000 à 500.000 hommes qui se sont enrôlés du côté de l’armée française.
Après les accords d'Evian, qui ont mis fin au conflit et ouvert la voie à l'indépendance de l'Algérie, le 18 mars 1962, environ 100.000 harkis et leurs familles sont partis se réfugier en France craignant les représailles du FLN, le Front de Libération national algérien. Mais leur accueil s'est fait dans des conditions précaires sans réelles perspectives d'intégration pour eux-mêmes ni pour leurs enfants.
Depuis des années, des enfants de harkis se battent pour obtenir la reconnaissance par l'État français du drame qu'ils ont vécu et des réparations. Le président français Emmanuel Macron a multiplié les gestes ces derniers jours envers eux. Un reportage de Nadir Djennad.
Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Vous retrouvez tous les numéros dans la médiathèque, à écouter en ligne ou à télécharger en format MP3. Le podcast est également disponible sur certaines plateformes de podcasts.