Le 8 Mai : un jour de défaite totale ou de libération ?
8 mai 2023Le 8 mai 1945, les armes se taisent enfin. La Seconde Guerre mondiale, déclarée par le Reich national-socialiste d'Adolf Hitler, prend fin.
L'armée nazie, la Wehrmacht, capitule sans condition. En Europe, le bain de sang s'arrête. Le Japon, lui, continue de se battre et ne se rend qu'en août, après le largage des bombes atomiques américaines sur Hiroshima et Nagasaki.
Les armées du IIIème Reich ont débuté les hostilités en envahissant la Pologne, elle se sont rendues coupables de crimes contre l'humanité sans précédent, à commencer par l'élimination systématique de six millions de juifs.
Pour la coalition internationale antihitlérienne, menée par l'Union soviétique, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France , le 8 mai devait être, malgré toutes les souffrances qui avaient précédé, un jour de fête.
Mais, la plupart des Allemands avaient du mal à partager cette joie : leur pays avait été détruit, puis divisé en quatre zones d'occupation par les puissances victorieuses. En 1949, la division de l'Allemagne en deux Etats illustre la division idéologique de l'Europe.
''Nous étions au courant de ces choses''
En Allemagne de l'Ouest (RFA), quatre ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le libéral Theodor Heuss du FDP déclare que le 8 mai reste pour chacun des Allemands "le paradoxe le plus tragique et le plus discutable de l'histoire. Pourquoi ? Parce que nous sommes à la fois libérés et anéantis ".
Theodor Heuss est élu premier président de la RFA. Trois ans plus tard, lors d'une visite au camp de concentration de Bergen-Belsen, il dira : " Les Allemands ne doivent jamais oublier ce qu'ont enduré des humains du fait de leur peuple durant ces années de honte ". Et au sujet de l'holocauste, il ajoute : " Nous étions au courant de ces choses."
Un monument à l'Armée rouge : "Le Libérateur''
A l'est, en République démocratique allemande (RDA), les dirigeants ont adopté la ligne antifasciste de l'Union soviétique : l'Allemagne de l'Est se présente comme un rempart contre le fascisme et l'impérialisme.
Quatre ans après la fin de la guerre est érigé à Berlin-Est un mémorial monumental pour rendre hommage aux 5000 soldats de l'Armée rouge présentés comme des " libérateurs ". Le 8 mai s'établit comme le "Jour de la libération ", célébré dans toute la RDA.
A l'Ouest, le chancelier Konrad Adenauer (CDU) fait adhérer la RFA à l'Otan.
Dix ans après la fin de la guerre, le démocrate-chrétien déclare à Paris que le peuple allemand a payé par des "souffrances infinies" les méfaits commis en son nom par des dirigeants aveuglés. "C'est dans ces souffrances qu'il s'est purifié et transformé".
Dix ans plus tard, son successeur, Ludwig Erhart (CDU) est le premier homme politique ouest-allemand de haut rang à utiliser le mot "libération" en lien avec le 8 mai. Mais en réalité, il attaque les privations de libertés dans les pays communistes par ces termes : " Si l'injustice et la tyrannie avaient été éradiquées du monde avec la défaite de l'Allemagne hitlérienne, l'humanité aurait de bonnes raisons de "commémorer le 8 mai comme un jour de liberté". "
''Regardons la verité en face''
En 1985, à l'occasion du 30e anniversaire de la fin de la guerre, le chancelier Helmut Kohl opère un pas de plus et déclare : "Nous avons été libérés d'un joug terrible, de la guerre, du meurtre, de la servitude et de la barbarie", puis il ajoute : "mais nous n'oublions pas que cette libération est venue de l'extérieur, que nous, les Allemands, n'étions pas capables de secouer nous-mêmes ce joug."
Ce n'est qu'après la Réunification de 1990 que l'Allemagne a pu unifier sa vision de la fin de la guerre. Une vision qui peut être résumée dans ces paroles de Lothar de Maizières, éphémère dirigeant CDU de la RDA avant la réunification des deux Allemagne : "En ce 8 mai, regardons la vérité en face du mieux que nous pouvons".
Le 8 mai n'est pas férié en Allemagne. Mais depuis plusieurs années, des voix s'élèvent dans le pays pour demander à ce que cette date, ici aussi, soit célébrée comme celle de la libération du peuple du joug de la dictature nazie.